Régie par une Loi fondamentale (Grundgesetz), l’Allemagne a adopté cette dernière le 8 mai 1949 par les représentants des onze Länder de l’Allemagne de l’Ouest. Entrée en vigueur le 23 mai 1949, elle a donné naissance à la République fédérale d’Allemagne, définie comme un État fédéral démocratique et parlementaire. Le 3 octobre 1990, les cinq Länder de RDA ont adhéré à la Loi fondamentale.
Germains et Romains : Histoire d’Allemagne
Peuplée par des peuples celtes au début des temps historiques, l’Allemagne est submergée vers le iie siècle av. J.-C. par les migrations des peuples germaniques venus du nord et de l’est. Établis à l’origine en Scandinavie méridionale, ceux-ci migrent, au cours de la seconde moitié du Ier millénaire av. J.-C., vers le sud et l’ouest. Leur expansion jusqu’au Rhin inférieur à l’ouest, et jusqu’à la Thuringe et la Basse-Silésie au sud, les entraîne, vers le iie siècle av. J.-C., sur le territoire des Celtes. Ils s’établissent en Allemagne et en Pologne, entre le Rhin et la Vistule : les Cimbres et les Teutons au nord ; les Bataves, les Frisons, les Lombards et les Marcomans à l’ouest ; les Goths, les Vandales et les Gépides à l’est.
Les Germains ne tardent pas à menacer directement Rome : à la fin du iie siècle av. J.-C., Cimbres et Teutons progressent depuis le nord de l’Allemagne vers le bassin méditerranéen. Leur invasion de la Gaule entraîne une réaction militaire des Romains. En 102 av. J.-C., le général romain Caius Marius défait les Teutons à Aquae Sextiae (aujourd’hui Aix-en-Provence). L’année suivante, il stoppe les Cimbres à Verceil (aujourd’hui Vercelli). Jules César doit à son tour intervenir contre les Suèves menés par Arioviste, dont la progression à l’ouest du Rhin a repoussé les Helvètes vers la Gaule.
De 12 à 9 av. J.-C., l’armée romaine mène une nouvelle campagne contre les Germains. Décidée par Auguste, celle-ci est menée par Drusus, qui réorganise la Germanie, fonde la ville de Mayence, et atteint l’Elbe en 9 av. J.-C. À l’issue de cette campagne, la Belgique est rattachée à la Germanie, devenue province romaine. La paix, cependant, n’est pas encore établie. En 16 apr. J.-C., Germanicus pacifie la Germanie, après avoir vaincu la révolte des Chérusques dirigée par Arminius.
Les Germains devenant de plus en plus incontrôlables, Tibère évacue les régions les plus éloignées du Rhin pour mieux contrôler les régions rhénanes. Trajan, pour assurer la sécurité de l’Empire romain, fait construire une ligne de frontière fortifiée, le limes, renforcée par ses successeurs. Constitué de fossés, de murailles, de tours de guet et jalonné de camps militaires, le limes englobe les champs Décumates (région située entre le Main, le Rhin et le Danube), et établit la frontière entre une Germanie « barbare » et une Germanie intégrée au monde romain, touchée par la christianisation.
Au IIe siècle apr. J.-C., les Romains empêchent les confédérations des Francs, des Alamans et des Burgondes de traverser le Rhin. Des terres leur sont concédées en échange de leur soumission à Rome. L’armée impériale enrôle des mercenaires barbares. Mais, aux IVe et Ve siècles, la pression des Grandes Invasions est trop forte pour les Romains affaiblis. Chassés par les Huns venus d’Asie, les Goths (Ostrogoths et Wisigoths), les Vandales, les Francs, les Lombards et d’autres tribus germaniques rompent le limes et déferlent sur Rome, sonnant le glas de l’Empire romain d’Occident.
Les premiers États germaniques
Au début du vie siècle, le chef franc Clovis, après avoir vaincu le Romain Syagrius, étend son autorité sur une grande partie de la Gaule et le sud-ouest de la Germanie. Vainqueur des Alamans et des Wisigoths, suzerain des Francs de Cologne, il fonde un royaume catholique et convertit ses sujets, adeptes de l’arianisme. Mais, au sein du Regnum francorum mérovingien, la fracture linguistique et religieuse perdure entre l’ancienne Germanie romanisée et la Germanie barbare, où prévalent les croyances païennes. La plaine du Nord est alors occupée par les Saxons, tandis que les régions de l’Elbe et du Main supérieur sont peuplées par les Slaves.
La Germanie carolingienne
Après 751, les Carolingiens poursuivent la conquête mérovingienne. Leur progression accompagne l’évangélisation des populations germaniques par des moines irlandais et anglais, au premier rang desquels saint Boniface et saint Willibrod. Saint Willibrod devient archevêque d’Utrecht (695), puis fonde le monastère d’Echternach (698) au Luxembourg. Saint Boniface fonde les monastères de Reichenau et de Fulda, avant d’être nommé par le pape archevêque de Mayence (751) et primat de toute la Germanie.
Charlemagne, roi des Francs (768-814), des Lombards (771-814) et empereur d’Occident (800-814), réalise l’unité des Francs et des Germains en combattant les Slaves au sud du Danube, en soumettant les Saxons, qu’il oblige à se convertir, puis en défaisant les Avars, alliés de Tassilon III, duc de Bavière. Il annexe dans la foulée le sud de l’Allemagne. Le couronnement de Charlemagne par le pape Léon III, en 800, devait profondément marquer l’histoire de l’Allemagne, jusqu’aux bouleversements de la Réforme. Le nouvel empereur d’Occident choisit Aix-la-Chapelle pour capitale et établit un lien particulier entre la royauté germanique et la papauté. Tous les rois germaniques qui lui succèdent aspirent à rétablir un Empire chrétien d’Occident qui soit l’égal de celui de Rome.
L’empire carolingien ne survit pas longtemps à la disparition de Charlemagne en 814. À la mort de son successeur, Louis le Pieux, le traité de Verdun (843) partage l’empire entre ses trois fils. Charles le Chauve reçoit la Francia occidentalis et Louis II le Germanique, la Francia orientalis (Germanie), à l’est du Rhin. Le titre impérial échoit au fils aîné, Lothaire, qui règne sur un territoire médian s’étendant de la mer du Nord jusqu’en Italie. Mais son royaume, la Lotharingie, est démantelé par le traité de Mersen (870). La partie ouest est rattachée à la Francie occidentale et le reste à la Germanie.
L’empire ottonien
La désintégration de l’empire carolingien marque la naissance du premier royaume germanique. Elle favorise la montée des particularismes et la formation de duchés émancipés de la tutelle impériale : duchés de Franconie, de Souabe, de Bavière et de Saxe. Lorsque le dernier des Carolingiens de Germanie, Louis IV l’Enfant, meurt sans héritier, les féodaux allemands élèvent l’un des leurs à la royauté. En 911, Conrad, duc de Franconie, est élu roi par les grands électeurs de Franconie et de Saxe, et reconnu comme tel par la Souabe et la Bavière.
En 919, les quatre duchés choisissent pour lui succéder Henri Ier l’Oiseleur, duc de Saxe. Celui-ci obtient le rattachement de la Lorraine au royaume de Germanie et stoppe l’invasion hongroise à Merseburg en 933. Avant sa mort, Henri Ier désigne son fils Othon (ou Otton) comme son successeur. Ce choix est entériné, en 936, par l’ensemble des grands électeurs. La dynastie saxonne repose dès lors sur le double principe héréditaire et électif.
Le règne d’Othon Ier le Grand (936-973) est décisif. Déterminé à restaurer un puissant empire chrétien, il se fait couronner symboliquement empereur à Aix-la-Chapelle et entreprend de rétablir l’autorité royale sur les grands féodaux. Pour affaiblir les ducs, il les dépossède d’une partie de leurs terres et crée de nouveaux duchés qu’il distribue aux membres de sa famille. Il s’appuie surtout sur l’Église, octroyant fiefs et privilèges aux évêques et aux abbés.
À l’extérieur, Othon renforce sa domination sur la Lorraine (944) et accroît l’influence germanique sur la Bourgogne et sur la Provence. Mais, surtout, il oriente sa politique dans deux directions : vers l’est et les pays slaves, d’une part, vers l’Italie, siège de la papauté, d’autre part. Sous son règne débute la colonisation des régions orientales. Ayant christianisé les Slaves, couronné roi d’Italie en 951 après avoir vaincu l’usurpateur Bérenger II, Othon Ier endosse l’habit de champion de la chrétienté lorsque, en 955, il emporte une victoire définitive sur les Hongrois, près d’Augsbourg. Après la conquête des États pontificaux par Bérenger II, il se rend à Rome à l’appel du pape Jean XII. Victorieux, il est couronné empereur par le pape en 962, fondant ainsi le Saint Empire romain germanique. Les empereurs germaniques interviennent dès lors dans le choix des papes : en 963, Jean XII est déposé et Léon VIII lui succède.
Il y a, dans le domaine de la vie religieuse, des arts et de l’architecture, une véritable renaissance othonienne, particulièrement brillante sous Othon II (973-983). Elle s’accompagne d’un développement des échanges commerciaux avec la France et l’Angleterre, mais aussi avec les pays slaves, Constantinople et les pays du Levant. Les successeurs d’Othon Ier poursuivent sa double politique germanique et italienne, la seconde affaiblissant souvent la première. Des marches militaires sont créées aux frontières de l’empire, à l’image de l’Ostmark, noyau de la future Autriche, qu’Othon II confie aux Babenberg. Othon II envahit le sud de la péninsule italienne, conquiert Naples, Salerne et Tarente, mais il est vaincu à Cap Colonne par les Grecs et les Sarrasins en 982. Othon III (983-1002) soutient le mouvement de la réforme bénédictine qui se développe à l’abbaye de Cluny, en Bourgogne. Il instaure sa capitale à Rome, et la noblesse germanique profite de son absence pour renforcer son pouvoir.
À la mort d’Othon III, Henri II le Saint (1002-1024) est choisi par les nobles allemands pour lui succéder. Ses tentatives pour rétablir l’autorité royale échouent, l’empereur continuant à privilégier l’ambition italienne. En 1004, il envahit l’Italie et se fait couronner roi des Lombards. De 1004 à 1018, il mène une guerre épisodique contre la Pologne de Boleslas Ier. En 1014, il est couronné empereur à Rome par le pape Benoît VIII.
La dynastie franconienne
Henri II étant mort sans héritier, en 1024, la noblesse laïque et ecclésiastique choisit pour lui succéder un arrière-petit-fils d’Othon Ier, Conrad II (1024-1039), duc de Franconie. Premier souverain de la dynastie franconienne ou salienne, celui-ci entreprend de restaurer la puissance royale, sans pour autant renoncer au rêve d’un empire universel.
Pour affaiblir les duchés, Conrad II le Salique accorde des privilèges à la petite noblesse, ce qui favorise l’émiettement féodal. Reconnu roi d’Italie en 1026, il reçoit la couronne impériale à Rome en 1027. Il agrandit son empire, en imposant, à l’est, sa suzeraineté aux Polonais, refoulés au-delà de l’Oder, ainsi qu’aux Tchèques. À l’ouest, il obtient en 1032 la Bourgogne, que lui lègue Rodolphe III.
La dynastie connaît son apogée avec Henri III le Noir (1039-1056) qui impose son autorité aux princes allemands et soumet la Poméranie et la Hongrie. Toutefois, la politique impériale à l’égard de l’Église, mise sous tutelle, conduit à une crise dont les répercussions sont importantes. Les partisans de la réforme de l’Église, à Cluny, en Lorraine et en Lombardie, acceptent mal que l’empereur, fût-il très pieux, nomme les papes et dispose des évêchés et des abbayes à sa guise. Cette confusion du spirituel et du temporel relève, pour eux, de la simonie.
La querelle des Investitures
La querelle des Investitures éclate après la mort d’Henri III. Son fils Henri IV (1050-1106) n’est encore qu’un enfant lorsqu’il monte sur le trône en 1053. En 1059, le synode de Latran déclare que l’élection du pape appartient aux cardinaux. La situation s’envenime après l’élection, en 1073, de Grégoire VII, moine clunisien, qui proclame la primauté de Rome sur l’Église, dont l’indépendance est affirmée, et met fin à l’investiture des ecclésiastiques par les laïcs. Henri IV le fait déposer par les évêques allemands réunis à Worms en 1076. Le pape excommunie immédiatement l’empereur, libérant ses sujets du serment d’allégeance envers lui.
Confronté à la fronde des princes allemands, Henri IV vient implorer le pardon du pape à Canossa. L’excommunication est levée en janvier 1077. Les princes, prenant prétexte de l’humiliation impériale, manifestent leur indépendance en se donnant un nouveau roi, Rodolphe, duc de Souabe, qu’Henri IV doit chasser par les armes. Les dernières années de son règne sont marquées par une succession de crises. À nouveau excommunié en 1080, Henri IV dépose le pape Grégoire VII au profit de Clément III qui le couronne empereur en mars 1084. Malgré ses campagnes victorieuses à Rome, à Padoue et à Vérone, il est chassé d’Italie par le nouveau pape Urbain II, élu en 1088. Il se heurte ensuite, en 1104 et 1105, à la révolte de ses fils, Conrad et Henri.
Henri V (1106-1125) obtient finalement la déposition de son père par la diète de Mayence, en 1105. L’Empire est alors extrêmement affaibli. Henri V perd le contrôle de la Pologne, de la Hongrie et de la Bohême, et les princes allemands le contraignent à mettre fin à la lutte entre l’Empire et la papauté. Par le concordat de Worms signé avec Calixte II en 1122, l’empereur abandonne à Rome l’investiture des évêques et des abbés, et reconnaît la légitimité des élections papales. Il conserve le droit d’investiture temporel, c’est-à-dire la concession des fiefs épiscopaux. Ce compromis aboutit à la distinction, essentielle, des pouvoirs spirituel et temporel. Conjuguée à l’émancipation de la noblesse, cette distinction marque le retour à la conception traditionnelle de la monarchie germanique, selon laquelle le roi n’est finalement que « le premier parmi ses égaux ».
L’empire des Hohenstaufen
Après la mort d’Henri V, les couronnes d’empereur et de roi d’Italie sont âprement disputées. La lutte se prolonge durant les xiie et xiiie siècles. Elle oppose les Hohenstaufen, appelés Waiblingen en Souabe ou gibelins en Italie, aux Welfen de Bavière et de Saxe, appelés guelfes en Italie et alliés de la papauté (voir Guelfes et gibelins). Les premiers défendent l’idée d’un empire chrétien à vocation universelle et portent leurs ambitions vers l’Italie et le sud. Pour les seconds, l’empire doit enraciner sa puissance dans le sol germanique et s’attacher à la conquête de l’est. Les conflits entre guelfes et gibelins sont temporairement résolus par l’élection, en 1152, de Frédéric de Hohenstaufen.
Frédéric Ier Barberousse
Se considérant comme le successeur d’Auguste, de Charlemagne et d’Othon Ier le Grand, Frédéric Ier Barberousse (1152-1190) affaiblit les grands feudataires et récupère les biens royaux usurpés. Il restitue cependant la Bavière à Henri le Lion, auquel il confie la conduite de l’expansion allemande vers l’est. S’étant ainsi assuré la bienveillance des guelfes, il peut se tourner vers l’Italie, où il effectue six expéditions pour réaffirmer l’autorité impériale sur les villes lombardes et sur Rome.
Après s’être fait remettre la couronne d’Italie en 1154, il est couronné en 1155 empereur du Saint Empire par le pape Adrien IV. Ayant obtenu, en 1158, confirmation de ses droits par la diète de Roncaglia, il installe des podestats (représentants impériaux) dans les villes italiennes dont il s’attire l’hostilité. Cette politique relance le conflit avec la papauté. L’opposition du pape Alexandre III, élu en 1159, amène Frédéric Ier Barberousse à imposer un antipape, Victor IV, en 1160, ce qui crée un schisme au sein du clergé allemand et précipite la rupture avec l’autorité pontificale.
Excommunié en 1165, l’empereur mène plusieurs campagnes contre les villes lombardes (Milan, Brescia, Parme, Padoue, Plaisance, Bologne, etc.) qui, à l’initiative du pape Alexandre III, se liguent en 1167 contre la domination impériale. Après sa défaite à la bataille de Legnano, en 1176, Frédéric Ier est contraint de reconnaître l’autorité du pape (paix de Venise, 1177) puis signe, en 1183, la paix de Constance, qui scelle l’autonomie des villes lombardes, celles-ci n’étant plus que nominalement soumises à l’empereur.
Son seul succès, dans cette crise, est l’éviction d’Henri le Lion, auquel il reprend la Bavière, donnée aux Wittelsbach, et la Saxe. Malgré l’échec de sa politique italienne, Frédéric Ier renforce son prestige en Europe centrale. Il étend sa suzeraineté sur la Pologne, élève la Bohême au rang de royaume et érige la marche d’Autriche en duché héréditaire. En 1189, il prend la tête de la troisième croisade au cours de laquelle il trouve la mort, dans les eaux du Selef (Asie Mineure) en 1190.
Frédéric II, Stupor mundi
Les règnes très courts des fils de Frédéric Ier, Henri VI (1191-1197) et Philippe Ier de Souabe (1198-1208) ne contribuent qu’à affaiblir encore davantage l’autorité impériale. À la mort de son frère, Philippe Ier est élu empereur contre Othon de Brunswick, fils d’Henri le Lion. Une guerre les oppose jusqu’à la mort de l’empereur, assassiné en 1208. Othon IV de Brunswick est alors reconnu et couronné empereur par le pape Innocent III en 1209.
Considéré comme l’un des plus grands et des plus puissants papes du Moyen Âge, Innocent III profite de la mort de l’empereur germanique Henri VI pour réaffirmer l’autorité papale dans le choix des prétendants à la couronne impériale et dans l’arbitrage des candidats. Ainsi, après avoir excommunié Othon IV en 1210, il porte au pouvoir Frédéric II (1212-1250), fils d’Henri VI. Cette inversion des pouvoirs entre pape et empereur germanique vaut à ce dernier le surnom de Stupor mundi, l’« Étonnement du monde ».
Ne pouvant dominer le nord de l’Italie, Frédéric II consacre ses efforts à asseoir son autorité sur le riche royaume des Deux-Siciles (voir Naples ; Sicile), dont il a hérité par sa mère, Constance. En Allemagne, en revanche, la féodalité triomphe. Pour réduire la puissance croissante des villes, l’empereur concède aux princes, laïques et ecclésiastiques, un grand nombre des droits régaliens. Ils obtiennent ainsi, par le privilège de Worms (1231), la pleine souveraineté dans leurs États.
La lutte avec la papauté se poursuit. Excommunié en 1227 pour avoir retardé son départ en croisade, Frédéric II part finalement pour le royaume latin de Jérusalem en 1228, à la tête de la sixième croisade. Il y est couronné roi et obtient du sultan d’Égypte, Al-Kamil, la rétrocession des principales villes chrétiennes en Terre sainte (Palestine) : Jérusalem, Bethléem, Nazareth, Sidon (traité de Jaffa, 1229). Son succès n’apaise pas le pape Grégoire IX, qui, pendant son absence, envahit la Sicile et fomente contre l’empereur la seconde Ligue lombarde (1226).
À son retour de croisade, Frédéric II doit livrer combat en Italie. Victorieux de la Ligue en 1237, il est une nouvelle fois excommunié. Il s’empare alors des États pontificaux. Le nouveau pape, Innocent IV, réfugié en France, obtient du concile de Lyon, en 1245, la déposition de l’empereur et fait élire un roi de substitution, Henri Raspe, landgrave de Thuringe, en 1246. Dès lors, la Germanie devient la proie de nombreux conflits qui perdurent après la mort de Raspe et l’élection d’un autre roi, Guillaume de Hollande, en 1247.
Lorsque Frédéric II, occupé à guerroyer en Italie, meurt soudainement en 1250, son jeune fils, Conrad IV, et Guillaume de Hollande font valoir leurs prétentions au titre d’empereur du Saint Empire romain germanique. L’Empire, morcelé à l’extrême, entre dans une période de désordre, le Grand Interrègne (1250-1273), durant laquelle la couronne est revendiquée par de nombreux princes et les élections au trône souvent éphémères. Conrad IV (1250-1254) hérite du titre impérial et succède à son père sur le trône de Sicile où il consolide sa position en conquérant les villes de Capoue et de Naples. Mais l’Empire et l’Italie ne seront plus jamais unis. À la mort de Conrad IV en 1254, Guillaume de Hollande est définitivement reconnu comme empereur. Il meurt deux ans plus tard dans une bataille contre les Frisons. Dernier descendant des Hohenstaufen, Conradin, fils de Conrad IV, ne deviendra jamais empereur. Il entreprend, à la mort de son père, de faire valoir ses droits sur la couronne de Sicile. Mais les Français, alliés de la papauté, l’évincent. Il entreprend une reconquête de l’Italie du Sud, mais il est vaincu par Charles d’Anjou en 1268 et exécuté. Après la mort de Guillaume de Hollande, le titre impérial est disputé entre Richard de Cornouailles, fils du roi d’Angleterre Jean sans Terre, et Alphonse X le Sage, roi de Castille et de León, et petit-fils de Philippe Ier de Souabe, mais aucun n’est reconnu, ni par le pape ni par les Allemands.
L’essor urbain et la marche vers l’est
Aux XIIe et XIIIe siècles, l’Allemagne connaît un important essor urbain, favorisé par le pouvoir central qui accorde aux villes un grand nombre de privilèges et de franchises. À la fin du XIIIe siècle, nombre de ces cités allemandes se sont émancipées de l’autorité impériale. La richesse des villes repose alors sur un commerce très actif, favorisé par le développement des échanges internationaux. Cologne et Francfort se trouvent sur la route des foires de Champagne, Mayence, sur la route des Alpes et de l’Italie, tandis que Lübeck et Hambourg dominent le commerce de la mer du Nord et de la Baltique. Les routes commerciales, au nord, se prolongent jusqu’en Angleterre, en Norvège et en Russie.
Progressivement, les villes concluent des alliances pour défendre et développer leurs intérêts commerciaux. En 1241, Lübeck et Hambourg signent un traité d’association, tandis que les cités du Rhin forment, en 1254, la Ligue rhénane. En 1259, l’union Hambourg-Lübeck s’élargit en une confédération de villes maritimes comprenant Rostock, Wismar et Stralsund. En 1281, celle-ci fusionne avec la Hanse de Cologne pour former la Ligue hanséatique ou Hanse teutonique (Hansa Theutonicorum), groupement de marchands de l’Allemagne du Nord, rejointe progressivement par de nombreuses autres villes de l’empire (Brême, Magdeburg, Erfurt, Thorn, Cracovie, Szczecin, etc.). Un réseau commercial très organisé se met ainsi en place, reliant les cités allemandes entre elles et, au-delà, à Londres, Bergen (Norvège) et Novgorod (Russie). Forte de plus de 85 villes et comptoirs, maîtresse de la mer Baltique et de tout le commerce de l’Europe du Nord, la Hanse constitue une force économique et politique de plus en plus puissante.
Cette expansion économique et urbaine s’accompagne d’une importante expansion territoriale. Le déclin du pouvoir impérial ne freine guère la progression vers l’est. La colonisation rurale accompagne l’œuvre évangélisatrice des moines et précède la conquête politique.
Aux Xe et XIe siècles, la christianisation des contrées orientales donne naissance à la formation des Églises nationales de Bohême et de Pologne qui, en fait, contribuent moins à la germanisation de ces territoires qu’à l’affirmation du particularisme slave. L’Autriche puis les régions du nord-est (Holstein, Mecklembourg, Poméranie et Brandebourg) sont en revanche ancrées dans l’aire de civilisation germanique.
Menée d’abord par les ordres religieux, bénédictins, franciscains et dominicains, la colonisation se transforme, au xiiie siècle, en croisade permanente, dirigée par des ordres militaires, dont le plus puissant est celui des chevaliers Teutoniques. Depuis leur quartier général de Marienburg, ceux-ci dirigent la colonisation de la Prusse, des pays baltes et de la Silésie où ils édifient châteaux et villes fortifiées. Ils fondent Riga (1201), Francfort-sur-l’Oder, Memel (1252) ou encore Königsberg (1255) et autorisent la Hanse à fonder des villes-comptoirs comme Gdańsk (1224). La politique de colonisation et la lutte contre les Slaves sont ardemment soutenues par trois dynasties, les Schaumburg, qui ont reçu le comté de Holstein en 1110, les Ascaniens, dont le fondateur, Albert l’Ours, est le premier margrave de Brandebourg, et les Welfen.
Dans les territoires nouvellement conquis s’établissent des paysans venus de Flandre, de Hollande et des régions rhénanes où, depuis le xe siècle, la croissance démographique a entraîné une forte pression sur les terres agricoles. Si la mise en valeur des nouvelles terres orientales exige un dur labeur (défrichement des forêts, assèchement des marais), les paysans reçoivent en échange des tenures et échappent à l’oppression seigneuriale.
L’Allemagne des princes
Le Grand Interrègne inaugure une période durant laquelle trois familles princières, les Habsbourg, les Wittelsbach et la famille du Luxembourg, se disputent la couronne impériale.
En 1273, les électeurs mettent fin au Grand Interrègne en choisissant Rodolphe de Habsbourg, un prince souabe, landgrave d’Alsace. Lorsque Rodolphe Ier (1273-1291) monte sur le trône, le pouvoir appartient davantage aux féodaux et aux villes qu’au détenteur de la couronne. L’empereur renonce aux expéditions en Italie. Mais il réprime la rébellion d’Ottokar II de Bohême, auquel il reprend l’Autriche, la Styrie, la Carinthie et la Carniole. À défaut de rendre son éclat au pouvoir impérial, il donne une solide assise territoriale à la maison des Habsbourg, désormais l’une des plus riches de l’empire.
Mais la puissance acquise par les Habsbourg inquiète la noblesse allemande, qui refuse, à la mort de Rodolphe en 1291, l’élection de son fils Albert. Les princes-électeurs élisent à sa place Adolphe Ier de Nassau (1291-1298) dont les ambitions territoriales en Thuringe et au Palatinat suscitent de nombreuses hostilités. Soutenu par une coalition de princes allemands, Albert Ier de Habsbourg (1298-1308), duc d’Autriche, le fait déposer et lui succède en 1298. Il adopte de nombreuses mesures favorables aux serfs, aux juifs et aux marchands allemands. Mais son assassinat, en 1308, écarte les Habsbourg du trône pendant un siècle et replonge l’Allemagne dans une guerre civile presque permanente.
Henri VII de Luxembourg (1308-1313) tire profit de l’affaiblissement de la papauté provoqué par l’installation des papes à Avignon, pour tenter de reconquérir l’Italie du Nord (1310). Il est couronné roi des Lombards en 1311 et empereur du Saint Empire en 1312. Mais il doit bientôt faire face à la révolte des guelfes, emmenés par leur chef, Robert d’Anjou, roi de Naples. Sa mort, en 1313, ouvre une guerre de succession, qui oppose les Habsbourg aux Wittelsbach.
Louis IV de Bavière (1314-1346) lui succède, mais il se heurte aux prétentions de Frédéric III le Beau, candidat à la couronne impériale. La guerre fait de nouveau rage. Après sa victoire à la bataille de Mühldorf, en 1322, Louis IV impose à son rival de renoncer à l’empire. En 1323, il apporte un soutien militaire aux gibelins en Italie du Nord. S’opposant à son ingérence dans les affaires italiennes, le pape Jean XXII l’excommunie en 1324. En réponse, Louis IV envahit l’Italie en 1327, impose l’antipape Nicolas V, et se fait couronner empereur en 1328.
La dynastie des Luxembourg
À Rhense, en 1338, les électeurs font une déclaration stipulant que, désormais, le roi de Germanie sera élu à la majorité et qu’il portera le titre d’empereur sans l’aval du pape. Hostile à cette décision, Clément VI entame alors des négociations avec Charles de Luxembourg, roi de Bohême et petit-fils d’Henri VII. En 1346, déchu par le pape, Louis IV est déposé par les électeurs.
Le nouveau roi de Germanie, Charles IV (1346-1378), couronné empereur à Rome en 1355, promulgue en 1356 la Bulle d’or (1356), constitution qui réglemente l’élection et le couronnement de l’empereur ainsi que les privilèges et les obligations des sept grands électeurs. Le collège électoral se compose en effet de trois ecclésiastiques, les archevêques de Mayence, de Trèves et de Cologne, et de quatre laïcs, le comte palatin du Rhin, le duc de Saxe, le margrave de Brandebourg et le roi de Bohême. Cette constitution régit le droit politique de l’Allemagne jusqu’à la dissolution du Saint Empire en 1806.
Si le principe électif est réaffirmé, l’empereur doit cependant fonder son autorité sur sa seule puissance. Charles IV abandonne toute ambition italienne, achète le Brandebourg et enlève la Silésie à la Pologne pour construire un vaste État, où la Bohême occupe une place de choix. Il y encourage l’industrie de l’argent, du verre et du papier et embellit sa capitale, Prague, par la construction de nouveaux bâtiments dans le style gothique tardif. Il y fonde un archevêché ainsi qu’une université allemande (1348), contribuant à faire de cette ville un brillant foyer intellectuel et artistique.
L’empire est toutefois durement frappé par l’épidémie de peste noire qui ravage l’Europe. Celle-ci, apparue à l’automne 1349 en Prusse, se propage rapidement dans tout le territoire jusqu’au début de 1351. Elle touche près du tiers de la population et provoque l’arrêt de la colonisation à l’est, où, confrontés à une perte de leurs revenus, les nobles renforcent leur contrôle sur les paysans.
De nombreux obstacles se dressent face aux successeurs de Charles IV, ses fils Wenceslas (1378-1400) et Sigismond (1411-1437). Le règne de Wenceslas, qui privilégie la Bohême au détriment des territoires allemands, est marqué par de nombreux troubles et une quasi-anarchie. Il ne parvient à mater ni la rébellion des villes de l’Allemagne du Sud (1388), ni celle de la noblesse et du haut clergé de Bohême (1396) après l’assassinat de Jean de Népomucène (1393). Les princes-électeurs allemands le déposent finalement en 1400, au profit de Robert du Palatinat (1400-1410).
Sigismond de Luxembourg, roi de Hongrie (1387) et futur roi de Bohême (en 1419), lui succède en 1411, mais il n’est couronné qu’en 1433. Il parvient à mettre fin au Grand Schisme en obtenant de l’antipape Jean XXIII la réunion du concile de Constance (1414-1418), mais doit affronter le soulèvement des hussites après le procès et la mort sur le bûcher du réformateur religieux Jan Hus, en 1415. Les guerres hussites ensanglantent la Bohême jusqu’en 1434. À l’est toujours, les Polonais reprennent la Silésie et absorbent la Lituanie après avoir défait les chevaliers Teutoniques à Grunwald-Tannenberg, en 1410. Cette défaite marque le début du déclin de cet ordre.
L’empire des Habsbourg
En 1437, Sigismond étant mort sans héritier direct, les électeurs élisent à l’unanimité Albert II de Habsbourg (1438-1439), duc d’Autriche et gendre de l’empereur défunt. Les Habsbourg se succèdent alors sur le trône d’Allemagne quatre siècles durant. Albert II hérite d’un empire dépeuplé par la peste noire. La Pologne en profite pour envahir la Bohême, et les Turcs Ottomans, pour attaquer la Hongrie. Le territoire germanique est alors morcelé en quelque 240 États, en proie à des conflits permanents. En Allemagne méridionale comme en Westphalie, les villes puissamment organisées luttent contre les princes.
Le désordre politique, pas plus que la peste, endémique jusqu’au XVIIe siècle, n’empêche toutefois le développement économique. En 1370, la Ligue hanséatique, victorieuse du Danemark, a obtenu, par le traité de Stralsund, un quasi-monopole sur le commerce entre la Baltique et la mer du Nord. Au sud, les villes comme Nuremberg et Augsbourg prospèrent grâce aux minerais du massif du Harz, de Thuringe et de Bohême, et au commerce des toiles. Le capitalisme naissant voit se constituer des familles de banquiers, tels les Fugger. Peu de temps après la mort d’Albert II, les Tchèques, puis les Hongrois, se choisissent pour souverain un prince local.
Le successeur d’Albert II, Frédéric III (1440-1486), couronné à Rome par le pape en 1452, est impuissant à rétablir l’ordre et la paix dans son empire. La guerre avec la Pologne reprend de 1454 à 1466. Le conflit se solde par le traité de Toruń, qui ne laisse à l’Empire germanique que la Prusse-orientale. Frédéric III est également vaincu par deux fois, en 1462 et 1485, par le roi de Hongrie, Mathias Corvin, qui lui prend Vienne et une partie de l’Autriche. En 1486, les princes germaniques le contraignent à abdiquer en faveur de son fils, Maximilien, mais il conserve le titre d’empereur du Saint Empire romain germanique jusqu’en 1493.
Maximilien Ier (1486-1519), par son mariage avec Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire, hérite d’un vaste territoire, au terme d’une guerre contre le roi de France, Louis XI, qu’il bat à Guinegatte en 1479. Il finit par obtenir les Pays-Bas au traité de paix d’Arras en 1482. Son habile politique d’alliances fait des Habsbourg les héritiers des Rois catholiques d’Espagne ainsi que des royaumes de Hongrie et de Bohême. Ayant libéré Vienne en 1490, occupée par Mathias Corvin, roi de Hongrie, Maximilien Ier unifie les États héréditaires pour accroître la puissance impériale. Il doit, en revanche, reconnaître l’indépendance des cantons suisses, en 1499, et céder le Milanais à la France.
En Allemagne, Maximilien Ier amorce une réforme des structures de l’Empire, mais elle demeure limitée, faute de moyens financiers et militaires suffisants. Les princes et les villes, de leur côté, défendent leurs prérogatives. Face à ces deux pôles dont la puissance ne cesse de s’accroître, la petite noblesse et la paysannerie apparaissent comme les victimes de l’évolution politique et économique. En 1493 puis en 1506, les paysans d’Alsace et du Wurtemberg, exploités par les seigneurs endettés auprès des usuriers bourgeois, se révoltent.
À la mort de Maximilien Ier, son petit-fils, Charles Quint (1519-1558), lui succède. Héritier du trône d’Espagne et du royaume de Bourgogne, celui-ci est le souverain le plus puissant de la chrétienté. Son accession au trône impérial coïncide avec l’émergence du protestantisme.
Les bouleversements de la Réforme
L’Allemagne féodale se trouve en effet ébranlée, depuis le xvie siècle, par un puissant mouvement intellectuel. L’omnipotence de l’Église est contestée par le progrès des sciences et par la diffusion des idées humanistes. Des scientifiques comme Nicolas de Cuse, en contredisant la théorie officielle de l’Église, mettent en cause une lecture dogmatique des Écritures. Les abus du clergé sont stigmatisés par des penseurs comme Johannes Reuchlin et Érasme. L’invention de la presse à imprimer par Johannes Gutenberg, établi à Strasbourg puis à Mayence, favorise la diffusion des idées nouvelles et des connaissances, préparant le terrain intellectuel à la Réforme.
La révolte religieuse de Luther
Le mouvement de la Réforme est lancé par un prêtre augustin, Martin Luther. Ses préoccupations spirituelles (la recherche du salut) épousent celles de ses contemporains allemands. Le clergé n’offre alors pour toute réponse que la vente des indulgences, monnayant la remise des péchés. Luther propose de trouver le salut dans une foi personnelle et prône la responsabilité des fidèles dans le gouvernement de l’Église. Le conflit entre le réformateur et la papauté éclate en 1517, lorsque Luther affiche à Wittenberg ses « 95 thèses », dirigées contre Rome. Sommé de se rétracter, il refuse et est excommunié par le pape Léon X puis banni par la diète de Worms en 1521, convoquée par Charles Quint (1519-1558), successeur de Maximilien Ier.
Mais ses thèses, affirmant la supériorité des Écritures sur l’autorité papale et l’égalité fondamentale des chrétiens, trouvent un écho favorable en Allemagne. L’électeur de Saxe, Frédéric III le Sage, offre un refuge au hors-la-loi dans son château de la Wartburg. La révolte luthérienne prend une très forte connotation politique et sociale. Le chevalier mercenaire Franz von Sickingen arme des membres de la petite noblesse appauvrie contre les seigneurs ecclésiastiques, détenteurs de vastes domaines terriens très convoités. Dans plusieurs régions, des prédicateurs, comme Karlstadt et Thomas Münzer, fondateur de la secte des anabaptistes, proposent une interprétation révolutionnaire des idées luthériennes, et soulèvent en masse les paysans allemands.
Les chroniques rapportent que la guerre des Paysans (1524-1526), révolte de la paysannerie et de la population urbaine contre les seigneurs féodaux, provoque la mort de 100 000 d’entre eux. Cependant, Luther condamne cette révolte contre l’ordre établi par Dieu et se prononce pour la répression. Ses théories gagnent alors en audience auprès des princes.
La guerre des princes
En 1526, la diète impériale de Spire renforce le pouvoir des princes allemands, en les autorisant à choisir librement la religion pratiquée dans leur État. La rupture avec Rome est alors inévitable. Engagé dans une guerre contre François Ier pour la domination de l’Europe, avec le projet de créer une monarchie catholique universelle, Charles Quint souhaite maintenir la paix avec la papauté. Lors de la diète de Spire de 1529, il tente de faire marche arrière. Six princes et quatorze villes libres, adeptes de la Réforme, émettent alors une protestation officielle contre les entraves faites à la liberté religieuse.
Les protestants, comme on les appellera par la suite, sont eux-mêmes divisés entre les partisans de Luther, les partisans du théologien suisse Ulrich Zwingli, désireux d’établir un État théocratique reposant sur les Écritures, et les anabaptistes. Charles Quint cherche tout d’abord à favoriser la conciliation à l’occasion de la diète d’Augsbourg en 1530. Les protestants disciples de Luther et de Zwingli y présentent des professions de foi distinctes, mais celles-ci sont rejetées par les théologiens catholiques. La médiation ayant échoué, le conflit devient ouvert.
Les princes et les villes gagnés au luthéranisme constituent en 1531 la ligue de Smalkalde, visant à défendre la liberté politique et religieuse des protestants. Dirigée par le futur électeur de Saxe, Jean-Frédéric le Magnanime, et le landgrave Philippe de Hesse, celle-ci contribue grandement à la diffusion de la Réforme en Allemagne.
En 1546, Charles Quint déclare la guerre à la ligue protestante qu’il vainc à la bataille de Mühlberg, en 1547.
Les guerres de Religion continuent cependant à déchirer catholiques et protestants jusqu’à la signature de la paix d’Augsbourg, en 1555, destinée à régler provisoirement le conflit dans l’attente de la fin du concile de Trente. Le luthéranisme obtient pour la première fois un statut légal mais non le calvinisme, jugé trop révolutionnaire. Cette paix accorde aux princes le droit de choisir la religion pratiquée dans leur État.
Dix ans après la mort de Luther (1546), les deux tiers de la population allemande ont adopté la Réforme, à l’exception de la Rhénanie, de la Bavière et de l’Autriche, demeurées catholiques. La Réforme a pour effet de renforcer le pouvoir des princes, en ajoutant au morcellement politique une division religieuse. Le rêve d’unité de Charles Quint s’évanouit donc au fil des ans. Toutefois, la traduction de la Bible par Luther en langue vernaculaire contribue à doter l’Allemagne d’une langue écrite unifiée.
La Contre-Réforme et la guerre de Trente Ans
Charles Quint finit par abdiquer en 1556. Son empire est divisé, l’Espagne et la Bourgogne revenant à son fils Philippe II, tandis que son frère, Ferdinand Ier, qui a été couronné roi de Bohême et de Hongrie en 1526, puis roi d’Allemagne en 1531, reçoit le titre impérial (1556-1564) et les terres germaniques. L’empire étant menacé par les Turcs Ottomans, Ferdinand Ier et, après lui, Maximilien II (1564-1576) mènent une politique très conciliante à l’égard des protestants, divisés en de multiples Églises. La progression du protestantisme, cependant, est enrayée par le développement de la Contre-Réforme catholique menée sous l’impulsion du pape Pie V (1566-1572). Le concile de Trente abolit la vente des indulgences et reformule la doctrine et le culte de l’Église catholique. Établis dans les villes du monde germanique, les jésuites entreprennent de reconvertir la population.
Sous le règne de Rodolphe II (1576-1612), roi de Bohême et de Hongrie, les tensions s’attisent entre protestants et catholiques. Les princes protestants, sous la conduite de Frédéric V, électeur palatin, forment l’Union évangélique en 1608, tandis que, l’année suivante, Maximilien Ier de Bavière rassemble les princes catholiques au sein de la Sainte Ligue catholique.
En 1612, Rodolphe II, érudit vivant reclus à Prague, incapable de gouverner, est contraint de remettre l’autorité à son frère Mathias II (1612-1619). Mais celui-ci, ne parvenant pas à réconcilier protestants et catholiques, doit laisser la place à son cousin Ferdinand II (1619-1637), également roi de Bohême (1617-1619), puis de Hongrie (1621-1625), disciple des jésuites, déterminé à lutter contre le protestantisme.
La guerre de Trente Ans
En proie aux luttes religieuses, l’Empire germanique a perdu sa puissance économique et politique en Europe au profit de l’Espagne de Philippe II, enrichie par les mines d’or du Nouveau Monde. La France, l’Angleterre et les Pays-Bas, contestant l’hégémonie de Philippe II, entendent profiter de l’affaiblissement de l’empire des Habsbourg. De leur côté, le Danemark et la Suède ambitionnent de dominer la mer Baltique. Un nouveau conflit leur offre l’occasion d’intervenir.
Les troubles éclatent à Prague, en 1618, avec la défenestration par la population protestante de trois émissaires de l’empereur (voir défenestration de Prague). Ferdinand II étant revenu sur le libre exercice du luthéranisme accordé par Rodolphe II, l’aristocratie protestante prononce sa destitution et offre la couronne de Bohême à Frédéric V. Ces événements marquent le début de la guerre de Trente Ans (1618-1648), qui allait prendre rapidement une dimension européenne.
La première phase du conflit oppose Ferdinand II à Frédéric V, dont l’armée est écrasée à la Montagne Blanche en 1620. L’électeur palatin est exilé et la Bohême passe sous la domination directe de l’empereur. Le catholicisme y est restauré par la force, les nobles protestants exécutés, privés de leurs terres ou mis à l’amende. Le conflit se poursuit en Palatinat, bientôt occupé par les troupes impériales.
Christian IV de Danemark, soutenu financièrement par les Anglais et les Hollandais et appuyé par les princes protestants allemands, attaque alors Ferdinand II. Il est vaincu par les armées impériales, menées par les généraux Wallenstein et Tilly, à la bataille de Lutter am Berenberge en 1626. La défaite danoise est reconnue par la paix de Lübeck, en 1629. L’empereur publie la même année l’édit de Restitution, ordonnant la restitution de tous les biens de l’Église catholique saisis par les protestants depuis 1552.
La troisième phase de la guerre s’ouvre avec l’intervention de la Suède, forte de l’appui financier du cardinal de Richelieu. Les troupes de Gustave II Adolphe envahissent la Poméranie et remportent une brillante victoire à la bataille de Breitenfeld en 1631. Puis, après quatre années de combats destructeurs, l’armée impériale remporte une victoire décisive à Nördlingen en 1634 et contraint les Suédois à accepter la paix de Prague en 1635.
Les Français, déterminés à contrer les Habsbourg, entrent alors ouvertement dans le conflit. Alliée aux Suédois et à plusieurs princes protestants allemands, l’armée française inflige plusieurs défaites aux forces impériales et progresse jusqu’à la frontière autrichienne. Ferdinand III (1637-1657) doit alors accepter la paix et l’Allemagne sort de la guerre complètement ruinée.
La paix de Westphalie
Négociée à Osnabrück et à Münster, la paix de Westphalie est signée en 1648. Le conflit religieux est résolu par un retour aux principes de la paix d’Augsbourg (1555), à la différence près que le calvinisme est enfin reconnu. Les États du Saint Empire romain germanique obtiennent une indépendance de fait, et les droits impériaux y sont désormais limités. La Diète impériale devient perpétuelle en 1663 et siège à Ratisbonne. Enfin, l’empire, ravagé par la guerre et les épidémies, qui causent la disparition de 40 à 50 p. 100 de la population, perd une partie de ses territoires au profit des nations voisines et de certains États germaniques, notamment celui du Brandebourg.
L’émergence de l’Autriche et de la Prusse
Éclipsé par la France et l’Angleterre, le Saint Empire romain germanique se replie sur l’Autriche, la Bohême et la Hongrie, à partir desquelles les Habsbourg vont reconstruire leur puissance. Sous les empereurs Léopold Ier (1658-1705) et Joseph Ier (1705-1711), Vienne devient la capitale d’un État ancré dans l’Europe centrale. À la même époque, l’Allemagne voit s’édifier un pouvoir concurrent, celui des Hohenzollern.
Ce nouveau pouvoir se constitue à partir du Brandebourg, acquis en 1415 par les Hohenzollern, et de la Prusse ducale ou Prusse-Orientale, État vassal de la Pologne, à l’est, où, durant la Réforme, le luthérien Albert de Brandebourg, dernier grand-maître des chevaliers Teutoniques, avait sécularisé les domaines ecclésiastiques et s’était proclamé premier duc de Prusse en 1525. L’État créé par la réunion politique de ces deux territoires en 1618, sous l’autorité de Jean Sigismond, électeur du Brandebourg, s’agrandit, avec les traités de Westphalie, de la Poméranie-Orientale et de Magdeburg. Frédéric-Guillaume, dit le Grand Électeur, électeur du Brandebourg (1640-1688), met en place une armée puissante et établit un pouvoir absolu avec le soutien d’une classe de hobereaux auxquels il a offert des terres et celui d’une classe naissante de fonctionnaires.
Les interventions françaises en Allemagne favorisent l’ascension des Hohenzollern. Les guerres expansionnistes menées par Louis XIV s’inscrivent dans la traditionnelle politique d’opposition de la France des Bourbons aux Habsbourg et à l’Espagne. Si l’électeur du Brandebourg accorde son soutien à la France, en échange d’une rente, dans la guerre de Dévolution (1667-1668), il se joint durant la guerre de Hollande (1672-1679) à l’Autriche et à l’Espagne, contre la France, mais perd ses conquêtes en Poméranie. En 1675, sa victoire contre les Suédois à Fehrbellin lui permet d’accéder à la dignité de Grand Électeur. Après la révocation de l’édit de Nantes, en France, en 1685, Frédéric-Guillaume offre l’asile aux huguenots. Près de 20 000 d’entre eux émigrent vers les principautés protestantes d’Allemagne et contribuent, pour beaucoup, au développement économique de la Prusse.
Lors de la guerre menée par la ligue d’Augsbourg (1688-1697) contre Louis XIV, désireux d’étendre son influence sur le Saint Empire romain germanique, les armées françaises ravagent le Palatinat, ce qui nourrit, au XVIIIe siècle, l’hostilité allemande contre la France, devenue « l’ennemi héréditaire ». À nouveau, le Brandebourg se range aux côtés de l’Autriche lors de la guerre de Succession d’Espagne (1701-1714), qui oppose la Grande Alliance, composée de l’Angleterre, des Provinces-Unies, du Saint Empire romain germanique et de la plupart des princes allemands, rejoints ultérieurement par le Portugal et la Savoie, à une coalition regroupant la France, l’Espagne et certaines principautés italiennes et allemandes, dont la Bavière. En contrepartie, Frédéric Ier (1701-1713), fils de Frédéric-Guillaume auquel il succède comme électeur du Brandebourg (1688-1701), obtient la reconnaissance impériale du royaume de Prusse et il est couronné premier roi de Prusse (1701-1713).
La paix d’Utrecht (1713-1715) met un terme à la guerre de Succession d’Espagne au détriment de la France et de l’Espagne. L’empereur germanique Charles VI (1711-1740) reçoit de l’Espagne les provinces méridionales des Pays-Bas ainsi que plusieurs principautés italiennes (Milanais, Naples, Sardaigne), tandis que le royaume de Prusse est officiellement reconnu par les puissances européennes. Ce dernier reconquiert la Poméranie-Orientale et Stettin (Szczecin) à l’issue de la deuxième guerre du Nord (1700-1721), au cours de laquelle la Prusse, la Saxe et la Pologne d’Auguste II le Fort, le Hanovre, le Danemark et la Russie de Pierre Ier le Grand unissent leurs forces contre les visées hégémoniques de la Suède et de son roi, Charles XII.
La rivalité austro-prussienne
À la mort de Frédéric Ier, son fils Frédéric-Guillaume Ier, dit le Roi-Sergent (1713-1740), devient roi de Prusse. Déterminé à unifier ses possessions, il forme un État militaire puissant, abolit les douanes et les privilèges locaux, et met en place une administration centralisée très efficace. Il dote la Prusse de la quatrième armée d’Europe continentale. À sa mort en 1740, la Prusse est devenue une puissance européenne capable de rivaliser, au sein du monde germanique, avec l’Autriche.
Le fils de Frédéric-Guillaume Ier, Frédéric II le Grand (1740-1786), l’« ami des philosophes », grande figure du despotisme éclairé, poursuit, à l’intérieur, la politique de son père, fort du soutien de l’aristocratie prussienne et d’une bourgeoisie active. Il exerce un pouvoir absolu, imposant un fort dirigisme étatique, et renforce son armée, à la fois en nombre et en efficacité. L’économie connaît, sous son règne, un rapide essor grâce à l’introduction de nouvelles méthodes agricoles et industrielles. À l’extérieur, il se lance dans une habile politique d’annexion aux dépens de la Pologne et de l’Autriche, qui lui permet de se poser en rival de la maison de Habsbourg en Allemagne.
La guerre de Succession d’Autriche
À la mort de l’empereur Charles VI en 1740, les électeurs de Bavière et de Saxe rejettent la pragmatique sanction, acte promulgué en 1713 par l’empereur Charles VI, désignant sa fille aînée Marie-Thérèse comme l’unique héritière de l’empire des Habsbourg, en Italie et en Europe centrale. Frédéric II propose son soutien à Marie-Thérèse moyennant la cession de la Silésie à la Prusse. S’étant heurté à un refus catégorique, il envahit la Silésie, déclenchant du même coup la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748). La Bavière, la Saxe et la France s’engagent dans le conflit contre l’Autriche, tandis que l’Angleterre, les Pays-Bas et la Russie viennent au secours des Habsbourg.
En 1745, Marie-Thérèse fait couronner son époux, François Ier (1745-1765), duc de Lorraine, empereur du Saint Empire romain germanique. Mais, peu enclin à gouverner, celui-ci délègue le pouvoir à Marie-Thérèse, archiduchesse d’Autriche et reine de Bohême et de Hongrie (1740-1780). Le traité d’Aix-la-Chapelle, en 1748, consacre finalement la pragmatique sanction. Mais la Silésie est reconnue possession prussienne : les Hohenzollern ont désormais fait la preuve de leur puissance.
L’expansion prussienne
L’entrée de la Prusse sur la scène européenne modifie le jeu des alliances. Marie-Thérèse, déterminée à reconquérir la Silésie, s’allie avec Élisabeth Petrovna, impératrice de Russie, tandis que George II d’Angleterre, électeur du Hanovre, en conflit avec la France pour la suprématie coloniale en Amérique du Nord et en Inde, signe un traité de neutralité avec Frédéric II. La vieille rivalité entre les Habsbourg et les Bourbons est même oubliée, et Louis XV, roi de France, conclut une alliance avec Marie-Thérèse. Frédéric II, anticipant l’encerclement, envahit la Saxe et la Bohême, déclenchant ainsi la guerre de Sept Ans (1756-1763), qui oppose la Prusse, l’Angleterre et le Hanovre d’un côté, l’Autriche, la Saxe, la France, la Suède, la Russie et l’Espagne de l’autre.
Malgré son génie militaire, Frédéric n’échappe à la défaite que par la mort d’Élisabeth de Russie. Le successeur de la tsarine, Pierre III Fedorovitch, signe la paix avec la Prusse en 1762. La défaite des Français face aux Anglais, outre-mer, met fin au conflit (1763). Le traité d’Hubertsburg, entre l’Autriche, la Prusse et la Saxe, restaure le statu quo. Cet accord officialise la mainmise de la Prusse sur la Silésie et la conforte dans son rôle de grande puissance européenne.
Cependant, Frédéric II entend poursuivre son expansion vers l’est dans le dessein d’annexer le territoire séparant le Brandebourg de la Prusse. Il profite de la faiblesse de la Pologne, passée sous la tutelle russe. En 1772, à son initiative, la Prusse et l’Autriche s’accordent avec la Russie de Catherine II la Grande sur un premier partage de la Pologne (traité de Saint-Pétersbourg) à l’issue duquel Frédéric II obtient la Prusse-Occidentale, à l’exception de Dantzig (Gdańsk) et de Thorn (Toruń).
La Prusse entre à nouveau en conflit avec l’Autriche lorsque l’empereur germanique, Joseph II (1765-1790), successeur de François Ier, tente d’annexer la Bavière dont le trône était vacant, après la mort de l’électeur Maximilien III. Craignant un renforcement de la puissance autrichienne, Frédéric II s’y oppose et forme une Ligue des princes contre l’empereur. À l’issue de la brève guerre de Succession de Bavière (1778-1779), l’Autriche est contrainte à d’importantes concessions (traité de Teschen, 1779). Elle doit évacuer la Bavière et accepter l’union de la Prusse avec les margraviats d’Ansbach et de Bayreuth. Le traité reconnaît également l’union de la Bavière et du Palatinat.
Le renouveau allemand
Le redressement de l’économie allemande, après les ravages de la guerre de Trente Ans, est très long. Il s’accélère vers la fin du XVIIe siècle. Les progrès de la métallurgie (hauts-fourneaux) et le développement des filatures en sont les principaux moteurs. Mais, alors même que le Royaume-Uni et la France s’engagent dans la révolution industrielle, l’économie allemande demeure essentiellement rurale. Les structures socio-économiques semblent figées : la paysannerie, qui constitue 80% de la population, vit encore sous la domination des féodaux, notamment à l’est où les junker imposent un régime proche du servage moyenâgeux.
Les villes, cependant, où se maintient le système corporatif, retrouvent un rôle actif dans l’économie marchande : Hambourg développe de fructueuses relations avec les États-Unis, Francfort se transforme en place financière et bancaire, tandis que les foires de Leipzig sont à nouveau le centre d’un commerce européen. Le développement économique et la modernisation des États sont favorisés par les princes allemands, émancipés de la domination impériale. À l’image de Frédéric II, ces derniers accroissent la centralisation du pouvoir et accueillent dans leurs cours de nombreux artistes et intellectuels.
Le XVIIIe siècle se caractérise, en Europe et en Allemagne, par une extraordinaire vitalité culturelle. L’Allemagne retrouve sa place au sein de la culture européenne. Après l’exacerbation des passions religieuses, l’Europe voit se développer un courant rationaliste et scientifique qui donne naissance au siècle des Lumières. L’Aufklärung allemand, cependant, se place sous une double influence, celle des penseurs rationalistes britanniques et français et celle du piétisme, courant spirituel qui prend la forme d’un renouveau évangélique, à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle.
La pensée philosophique allemande remet moins en cause l’ordre social établi qu’elle n’insiste sur le travail de la raison. Leibniz tente ainsi de réconcilier raison et foi, concevant un univers caractérisé par une harmonie naturelle préétablie. Kant donne une base rationnelle à l’éthique individuelle. Le piétisme influence également Lessing, dont la dramaturgie annonce le mouvement du Sturm und Drang (« tempête et assaut ») de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Rejetant la domination de la raison, ce mouvement préromantique exalte la sensibilité et idéalise la nature. Ses principaux représentants sont Goethe et Schiller. Ce renouveau culturel s’accompagne d’un important développement des universités allemandes où, désormais, l’enseignement ne se fait plus en latin mais en allemand.
La fin du Saint Empire romain germanique
Frédéric-Guillaume II (1786-1797) succède à son oncle, Frédéric II. La Révolution française (1789-1799) a un profond retentissement en Allemagne. Dans un premier temps, elle est accueillie favorablement par les intellectuels dont Kant ou Hegel. Mais à cette sympathie initiale succèdent la déception et la condamnation de la Terreur (1793-1794). En 1792, Frédéric-Guillaume II signe avec l’empereur germanique Léopold II (1790-1792) la déclaration de Pillnitz appelant les souverains européens à soutenir le roi de France Louis XVI. Les armées prussiennes envahissent la France, mais elles sont stoppées à la bataille de Valmy (septembre 1792).
Au début de l’année 1793, la Prusse occupe la Pologne occidentale, malgré une résistance acharnée mais vaine de l’armée polonaise. Au traité de Grodno, la Prusse et la Russie se livrent à un deuxième partage de la Pologne à l’issue duquel la Prusse gagne Dantzig (Gdańsk), Thorn (Toruń) et la région de la Grande Pologne avec Poznań. La réaction patriotique des Polonais entraîne, dès l’année suivante, une nouvelle intervention de la Prusse aux côtés de la Russie et de l’Autriche. Il s’ensuit un troisième et ultime partage de la Pologne en 1795. Varsovie et la Galicie sont annexées par la Prusse, tandis que la Pologne disparaît de la carte de l’Europe.
La même année, Frédéric-Guillaume II est contraint de céder à la France, par le traité de Bâle, les territoires prussiens situés à l’ouest du Rhin. Son fils, Frédéric-Guillaume III (1797-1840) lui succède.
L’essor du nationalisme allemand
Les guerres napoléoniennes (1799-1815) contribuent à la formation d’un nationalisme allemand. Elles bouleversent la structure de l’Allemagne. Ayant annexé la rive gauche du Rhin, Napoléon Ier simplifie une première fois la carte de l’Empire germanique par le recès de Ratisbonne en 1803. Il supprime 112 États allemands, au profit notamment du Wurtemberg et de la Bavière, qui deviennent des royaumes par le traité de Presbourg de 1805. Pour affaiblir l’Autriche, Napoléon crée, en juillet 1806, la Confédération du Rhin, formée par seize princes qui le reconnaissent pour protecteur. Celle-ci entraîne de fait la dissolution du Saint Empire romain germanique. Le 6 août, le dernier empereur germanique, François II (1792-1806), délie les Allemands du serment de fidélité.
Lors des guerres napoléoniennes, la Prusse reste neutre jusqu’en 1805, mais la formation de la Confédération du Rhin détermine Frédéric-Guillaume III à entrer en guerre. Battue par deux fois à la bataille d’Iéna et à la bataille d’Auerstedt en 1806, la Prusse perd la moitié de ses territoires au traité de paix de Tilsit (1807), avec la création du royaume de Westphalie, placé sous la souveraineté de Jérôme Bonaparte, et du duché de Varsovie. La Prusse doit adhérer au Blocus continental et son armée est réduite à 42 000 hommes.
En libérant l’Europe au nom de la Nation, les Français posent le principe des nationalités : ce message est entendu en Allemagne où l’idée de nation, cependant, est interprétée au regard de l’héritage historique et culturel. Herder, puis Fichte, dans son Discours à la nation allemande (1807), définissent l’idée d’une nation fondée sur la culture et la langue, puisant son identité dans ses traditions.
Le principal relais du nationalisme allemand est la Prusse, à partir de 1812. L’armée y est réorganisée sous la conduite de Scharnhorst et de Gneisenau qui, après la retraite napoléonienne en Russie, mènent la guerre de libération contre les Français. Les troupes de Frédéric-Guillaume III, allié à l’Autriche et à la Russie, entrent en mars 1814 à Paris. Mais cette victoire signifie le retour de l’Autriche en Allemagne.
La Confédération germanique
Le congrès de Vienne (septembre 1814-juin 1815) simplifie encore la carte de l’Allemagne. L’Autriche abandonne les terres souabes et impose, par l’intermédiaire de son ministre des Affaires étrangères, Klemens von Metternich, la création de la Confédération germanique. Celle-ci fédère, sous la présidence de l’Autriche, 39 États souverains, représentés au sein de la Diète fédérale de Francfort, sans réel pouvoir. La Prusse perd la plus grande partie de son territoire polonais, mais reçoit en compensation une partie de la Saxe, la Poméranie, ainsi que des terres en Rhénanie et en Westphalie.
Dans cette nouvelle Allemagne, les aspirations libérales et nationales sont sévèrement réprimées. Metternich, qui joue habilement des particularismes locaux au sein de la Confédération germanique, impose une politique réactionnaire et autoritaire, imité par Frédéric-Guillaume III en Prusse, ainsi que par les nouveaux rois de Bavière, de Hanovre, de Wurtemberg et de Saxe, qui craignent la perte de leur souveraineté.
Des insurrections libérales éclatent cependant dans plusieurs États allemands à l’annonce de la révolution de Juillet à Paris, en 1830. Elles déclenchent, au sein de la Confédération, une vague de répression, dirigée notamment contre les universités, lieux privilégiés de la contestation.
Le premier échec de l’unité
En 1848, une nouvelle vague révolutionnaire, née à Paris (voir Révolution française de février 1848), déferle sur l’Europe et provoque, dans l’empire des Habsbourg, la démission de Metternich et l’abdication de l’empereur d’Autriche, Ferdinand Ier, en faveur de son neveu, François-Joseph. En Allemagne, les insurgés obtiennent des Constitutions libérales dans les États de Bavière, de Bade et du Wurtemberg. En Prusse, Frédéric-Guillaume IV (1840-1861), roi conservateur, soutenu par l’Église luthérienne et par les junker, écrase l’insurrection berlinoise.
Cependant, à Francfort, un Parlement constituant s’est réuni, parallèlement à la Diète fédérale. Ses délégués, représentants de la bourgeoisie libérale, rédigent une Constitution libérale et proposent de fonder une Allemagne unie. Ils offrent la couronne impériale, héréditaire, au souverain prussien. Hostile au régime parlementaire, Frédéric-Guillaume IV refuse. Il reprend néanmoins l’idée d’une petite Allemagne, union des États allemands excluant l’Autriche, sous la direction de la Prusse (Union d’Erfurt), proposée par son ministre des Affaires étrangères, Josef von Radowitz. Cependant, il doit céder à l’ultimatum autrichien (reculade d’Olmütz, 1850) et renoncer, pour un temps, à réaliser l’unité de l’Allemagne autour de la Prusse.
L’Empire allemand
En 1834, à l’initiative de la Prusse, s’est constituée une union douanière, le Zollverein, rassemblant 25 États allemands. Celle-ci devait favoriser l’unité économique de l’Allemagne. Ainsi, en 1844, presque tous les États allemands sont économiquement associés à la Prusse. L’essor industriel s’accélère. La Prusse en est le premier bénéficiaire, avec le développement des bassins de la Saxe et de la Ruhr.
Après l’échec de 1850, cependant, la situation semble bloquée. La Prusse est paralysée par un conflit constitutionnel qui oppose un souverain autoritaire à une diète dominée désormais par la bourgeoisie progressiste, favorable à l’unité. En 1862, Guillaume Ier, qui a succédé en 1861 à Frédéric-Guillaume IV, nomme à la chancellerie Otto von Bismarck. Conservateur, attaché au particularisme prussien, Bismarck est un pragmatique. Convaincu que l’Allemagne est « trop étroite pour que la Prusse et l’Autriche puissent y vivre ensemble », il travaille à l’édification d’une petite Allemagne dominée par la Prusse.
L’unité allemande
Pour atteindre son but, Bismarck a recours à la fois à la diplomatie et à la force armée. L’affaire des Duchés lui offre un prétexte pour rompre avec l’Autriche qui, en 1863, a proposé un nouveau projet de grande Allemagne, à laquelle la Prusse n’aurait été liée que par un traité d’association. En 1864 cependant, Bismarck s’allie à l’Autriche pour défendre au Schleswig-Holstein et au Lauenburg, sous domination du Danemark, les droits à la succession d’un prince allemand, Frédéric d’Augustenburg. Mais, après une rapide victoire contre les Danois, les deux puissances germaniques écartent le prince et se partagent les duchés par la convention de Gastein, en 1865. L’Autriche annexe le Holstein, et la Prusse, le Schleswig.
Bismarck passe alors à la seconde étape et déclenche la guerre austro-prussienne (1866). Il s’assure de la neutralité de la Russie et de l’Angleterre, et obtient celle de la France, en promettant à Napoléon III qu’en cas de défaite des Habsbourg il remettra la Vénétie au jeune royaume d’Italie. Les troupes prussiennes, conduites par le général von Moltke, envahissent le Holstein. Le 3 juillet 1866, l’armée autrichienne est écrasée à la bataille de Sadowa (Königgrätz).
L’Autriche cède Venise aux nationalistes italiens et le Schleswig-Holstein est annexé par la Prusse.
Bismarck peut dès alors organiser, sans l’Autriche, la Confédération de l’Allemagne du Nord, union des États allemands situés au nord du Main, entrée en vigueur le 1er juillet 1867. La même année, en décembre 1867, l’Autriche et la Hongrie signent le compromis (Ausgleich) qui fonde l’Empire austro-hongrois. Le nouveau chancelier de la Confédération doit encore vaincre les résistances à l’unité des États catholiques du sud, particulièrement méfiants à l’égard de la Prusse. Il suscite alors une guerre nationale contre l’ennemi héréditaire, la France. La guerre franco-allemande (1870-1871) éclate à la suite d’un incident diplomatique mineur provoqué par Bismarck. Napoléon III déclare la guerre à la Confédération le 19 juillet 1870. Rejetant l’impérialisme français, les États d’Allemagne du Sud se rallient à la Prusse.
Après la capitulation française à la bataille de Sedan, le 1er septembre 1870, et le siège de Paris (septembre 1870-janvier 1871), Guillaume Ier est proclamé empereur d’Allemagne (1871-1888) dans la galerie des Glaces du château de Versailles, le 18 janvier 1871. La naissance du IIe Reich (1871-1918), qui remplace la Confédération de l’Allemagne du Nord, constitue l’aboutissement de l’unification allemande et consacre la domination prussienne sur l’ensemble des États allemands. Le traité de Francfort, signé le 10 mai 1871, met fin à la guerre entre la France et le IIe Reich. L’Alsace (à l’exception de Belfort) et une partie de la Lorraine sont cédées à l’Empire allemand. La France doit également verser une lourde indemnité de guerre (5 milliards de francs).
Le système bismarckien
Grand artisan de l’unification allemande, Otto von Bismarck devient le premier chancelier de l’Empire. Au cours des vingt ans qui suivent, il met en place une série d’alliances destinées à protéger l’unification politique de l’Allemagne. Pour isoler diplomatiquement la France et édifier un rempart contre les progrès de la démocratie et du socialisme, il établit l’Entente des trois empereurs, signée en 1872 entre l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et la Russie, renouvelée en 1884, ainsi que la Triple-Alliance, conclue en 1882 entre l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie. Afin de maintenir l’équilibre européen, il arbitre la question des Balkans au congrès de Berlin de 1878, puis les rivalités coloniales au congrès de Berlin de 1884.
La position extérieure de l’Allemagne wilhelmienne est assurée par sa puissance militaire, industrielle, commerciale et démographique. Bismarck encourage la révolution industrielle. La métallurgie de transformation et les industries chimiques se développent, à l’abri de barrières protectionnistes après 1873. La houille et l’acier de la Ruhr, de la Sarre et de la Silésie font de l’Allemagne une grande puissance industrielle. Les industriels allemands, soutenus par les banques, édifient de puissants Konzern. Les voies de communication connaissent également un essor important, passant de 20 000 km de voies ferrées en 1870 à 50 000 km en 1900. Entre 1870 et 1900, l’Allemagne gagne 15 millions d’habitants pour atteindre un total de 56 millions. Dès 1910, la population urbaine dépasse la population rurale, vingt-quatre ans avant la France.
La majorité de la population demeure exclue de la vie politique. Bismarck et l’empereur n’ont accepté que le Reichstag soit élu au suffrage universel que pour faire contrepoids au particularisme des vingt-cinq États. Le chancelier n’est responsable que devant l’empereur.
Bismarck, cependant, doit tenir compte de l’évolution politique. En 1872, inquiet de la progression du Zentrum, créé en 1871 pour défendre les intérêts des 15 millions de catholiques face à l’hégémonie de la Prusse protestante, il lance le Kulturkampf (« combat pour la civilisation »), conflit qui oppose l’Église catholique romaine et l’Empire allemand entre 1871 et 1883. Le conflit s’apaise à partir de 1879. Toutefois, Bismarck n’est pas parvenu à affaiblir le Zentrum, dont il a désormais besoin contre les socialistes, unis depuis 1875 au sein du Parti social-démocrate dominé par les disciples de Karl Marx.
Prétextant des attentats contre l’empereur, Bismarck fait adopter, en 1878, des lois d’exception interdisant le Parti socialiste, reconduites jusqu’en 1890. Dans le même temps, il crée le premier système d’assurances sociales destiné à préserver les revenus des ouvriers en cas de maladie, d’accident du travail, d’invalidité et de vieillesse, afin de les détourner du socialisme. Cette politique est un échec. En 1890, Guillaume II (1888-1918), successeur de Guillaume Ier, renvoie soudainement Bismarck et décide d’abolir les lois d’exception. Les sociaux-démocrates connaissent alors une progression électorale constante. En 1912, ils obtiennent la plus large représentation au Reichstag, avec 35% des suffrages. Bismarck échoue également dans sa politique de germanisation des minorités sur les frontières orientales et surtout en Alsace-Lorraine, terre d’Empire depuis 1871.
La Première Guerre mondiale et l’Allemagne
Le renvoi de Bismarck est essentiellement motivé par le désaccord qui existait entre le chancelier et le nouvel empereur, Guillaume II, sur la politique coloniale. Bismarck, soucieux de consolider la puissance allemande, ne tient guère à engager le pays dans la conquête de terres outre-mer. Il encourage même la France dans son expansion coloniale, qui la détourne de ses revendications sur l’Alsace-Lorraine.
La Weltpolitik de Guillaume II
Le nouvel empereur en revanche, poussé par la Ligue pangermaniste et les milieux d’affaires, entend participer au partage du monde, afin d’offrir de nouveaux débouchés à l’industrie allemande et de nouveaux territoires à une population en constante progression. La Weltpolitik de Guillaume II accroît les tensions entre puissances européennes et contribue à un renversement des alliances.
En 1887, le traité avec la Russie n’a pas été renouvelé. La Russie, isolée, se rapproche de la France, avec laquelle elle signe un accord défensif contre l’Allemagne en 1892. L’expansion commerciale de l’Allemagne (en Chine, dans l’Empire ottoman, en Afrique) et la mise en œuvre d’un programme d’armement naval, mené par l’amiral von Tirpitz, qui allait faire de l’Allemagne la deuxième puissance navale d’Europe, menacent directement les intérêts de la Grande-Bretagne, nation maritime. Après avoir tenté en vain d’obtenir des garanties de Guillaume II, les Britanniques règlent leurs différends coloniaux avec la France avec laquelle est conclue l’Entente cordiale en 1904.
La crise marocaine, ouverte par le voyage de Guillaume II à Tanger en 1905, accélère encore le processus. En 1907, le rapprochement de la Grande-Bretagne et de la Russie donne naissance à la Triple-Entente, contrepoids à la Triple-Alliance. L’Europe est dès lors divisée en deux camps armés.
Isolée à la conférence d’Algésiras, en 1906, l’Allemagne durcit encore sa politique. En 1911, la crise marocaine rebondit lorsque Guillaume II fait installer une canonnière allemande à Agadir. Le conflit est évité, mais l’Allemagne, désormais, se prépare à une guerre jugée inévitable. En juillet 1913, les effectifs de l’armée active sont augmentés. En décembre 1912, la Triple-Alliance est renouvelée par anticipation.
L’Allemagne en guerre
C’est la question des nationalités qui met le feu à la poudrière. Après l’assassinat, le 28 juin 1914, de l’archiduc d’Autriche François-Ferdinand, par un nationaliste serbe, l’engrenage des alliances entraîne l’Europe dans la Première Guerre mondiale. L’Allemagne ayant assuré l’Autriche de son soutien total, celle-ci envoie un ultimatum inacceptable à la Serbie avant de lui déclarer la guerre. La Russie, alliée à la Serbie, mobilise ses forces armées contre les puissances centrales.
Le 1er août, l’Allemagne déclare la guerre à la Russie puis, le 3 août, à la France.
Les Allemands escomptent une rapide conquête de la France pour assurer une stabilité du front occidental et permettre l’envoi massif de troupes vers l’Est. Contournant la frontière franco-allemande du nord-est de la France, solidement fortifiée, l’armée du IIe Reich passe par la Belgique, restée neutre, et attaque la France. Après une progression rapide sur le sol français, elle est stoppée de justesse par l’armée française sur la Marne.
Une fois le front stabilisé, les deux armées s’enterrent dans des tranchées, et la guerre s’enlise pendant quatre ans. Entre-temps, les Russes ont attaqué l’Allemagne à l’est. Confrontée à une guerre sur deux fronts, l’Empire allemand doit mobiliser toutes ses ressources économiques pour pallier l’insuffisance de son approvisionnement en nourriture et en matières premières. Afin de briser le blocus naval établi par les Alliés, il s’engage dans une guerre sous-marine à outrance, qui provoque l’entrée en guerre des États-Unis, en 1917, après la destruction de plusieurs navires américains. La révolution russe d’octobre 1917 et la guerre civile qui s’ensuit permettent à l’Allemagne de se libérer du front oriental, par la paix de Brest-Litovsk, signée en 1918 avec le gouvernement bolchevique. Mais l’échec de l’offensive massive lancée à l’ouest contraint l’état-major allemand à demander l’armistice le 29 septembre 1918.
Le 3 novembre, le soulèvement des marins de Kiel marque le début de la révolution socialiste en Allemagne. Ouvriers et militaires forment des conseils ouvriers. Le 9 novembre, la révolution éclate à Berlin, à l’initiative des spartakistes, menée par Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg, fondateurs du Parti communiste allemand (1918-1919). À l’annonce de l’abdication de Guillaume II, le Reichstag, dominé par les socialistes modérés, proclame la République. Friedrich Ebert, socialiste modéré, chef du Parti social-démocrate (SPD), prend la tête d’un gouvernement provisoire. L’armistice est signé le 11 novembre 1918.
Le traité de Versailles
Le nouveau gouvernement, établi à Weimar, doit accepter, le 28 juin 1919, les clauses extrêmement sévères du traité de Versailles. L’Allemagne doit reconnaître la souveraineté de la Belgique, de la Pologne, de la Tchécoslovaquie et de l’Autriche.
L’Alsace-Lorraine revient à la France.
L’Allemagne perd sur ses frontières orientales et occidentales quelque 71 000 km2, soit environ 8 p. 100 de son territoire et un dixième de sa population, sans compter ses colonies en Afrique. Ainsi amputée de riches régions agricoles et industrielles, elle est également contrainte à l’achat des surplus de minerai et d’acier lorrains. Le traité porte également atteinte à sa souveraineté concernant le bassin de la Sarre, placée pour quinze ans sous mandat de la Société des Nations (SDN) et confiée à la France, et la Rhénanie, zone démilitarisée et provisoirement occupée. Désarmée, l’Allemagne doit surtout reconnaître son entière responsabilité dans le déclenchement de la guerre. À ce titre, elle doit payer de considérables dommages de guerre.
Cette clause de responsabilité alimente la rancœur des Allemands, humiliés par le « diktat » de Versailles. La droite conservatrice et les militaires, accusant les révolutionnaires d’être directement responsables de cette humiliation nationale, entretiennent la thèse du « coup de poignard dans le dos ».
La République de Weimar
Un accord secret est signé entre Friedrich Ebert et l’état-major allemand pour lutter contre la menace bolchevique. L’insurrection spartakiste, déclenchée à Berlin en janvier 1919, est écrasée par le gouvernement républicain allié à l’armée. Après plusieurs jours de combats, l’ordre est rétabli dans le pays à l’issue d’une sanglante répression.
Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg sont assassinés, le 15 janvier 1919.
En février, une Assemblée nationale constituante se réunit à Weimar. Le 11 août, elle promulgue une nouvelle Constitution, établissant une république fédérale et une démocratie parlementaire. Le pouvoir législatif est partagé entre deux assemblées, le Reichstag et le Reichsrat. Friedrich Ebert est élu président de la nouvelle République (1919-1925).
La contestation du régime
La République de Weimar, gouvernée par une coalition du Parti social-démocrate et du Zentrum, est née de la défaite. Cette image négative devait persister et être abondamment exploitée par les milieux antirépublicains. Confrontée à la fois à l’hostilité de la droite antiparlementaire et nationaliste, et à celle des socialistes révolutionnaires, handicapée par une instabilité ministérielle chronique, la jeune république allemande doit faire face aux vives difficultés économiques de l’après-guerre.
En 1921, le gouvernement obtient un premier succès avec le refus du Sénat américain de ratifier le traité de Versailles. Un traité séparé est signé avec les États-Unis le 2 juillet 1921 (traité de Berlin), suivi en 1922 d’un accord sur les dettes allemandes. En 1922, le gouvernement rompt l’isolement de l’Allemagne grâce à la signature du traité de Rapallo avec l’URSS. L’armée allemande, la Wehrmacht, peut ainsi disposer de bases d’entraînement sur le territoire soviétique.
La crise de la Ruhr, en janvier 1923, aggrave la situation économique et politique. L’Allemagne ne pouvant satisfaire aux exigences des réparations de guerre, la France et la Belgique envahissent la Ruhr en janvier 1923 et prennent le contrôle des mines de charbon. Le gouvernement de Wilhelm Cuno encourage les ouvriers à la résistance passive, mais il est contraint d’émettre d’énormes quantités de monnaie pour payer leurs salaires. Cette politique entraîne une inflation galopante. Celle-ci favorise l’investissement industriel, mais engloutit les revenus fixes (épargne, pensions, assurances), appauvrissant les milieux agricoles et ouvriers, les retraités, et ruinant la petite bourgeoisie. La concentration industrielle s’accélère (voir occupation de la Ruhr).
Dans ce contexte de crise, les mouvements politiques extrémistes mettent à profit le mécontentement social pour déstabiliser le régime. Une insurrection communiste éclate à Hambourg. En Bavière, où l’agitation séparatiste est forte, Adolf Hitler, à la tête du Parti national-socialiste allemand des travailleurs (NSDAP), créé en 1920, fomente, en novembre 1923, le putsch de Munich.
La tentative de coup d’État échoue et Hitler est emprisonné.
Le redressement de l’Allemagne
La mise en œuvre du plan Dawes, en 1924, prolongé en 1929 par le plan Young, aide au redressement économique de l’Allemagne. Tandis que, sous la direction de Hjalmar Schacht, président de la nouvelle Banque centrale, est engagée une réforme monétaire rigoureuse, l’afflux de capitaux américains favorise la rationalisation de l’industrie. La progression du chômage, cependant, n’est pas enrayée.
Jouissant d’une paix et d’une prospérité relatives, l’Allemagne retrouve une place au sein de la communauté internationale, grâce à la politique de conciliation menée par Gustav Stresemann, ministre des Affaires étrangères de 1923 à 1929. Après les accords de Locarno, en 1925, elle est autorisée à entrer à la Société des Nations (SDN) en 1926.
Les années 1920 sont particulièrement fécondes sur le plan scientifique et culturel. Les physiciens et les chimistes allemands (Max Planck, Albert Einstein, Gustav Hertz, Werner Karl Heisenberg) obtiennent de nombreux prix Nobel. L’école du Bauhaus, créée par Walter Gropius en 1919, révolutionne l’architecture contemporaine. L’influence de l’expressionnisme, né avant la guerre, s’épanouit à travers le théâtre, avec Georg Kaiser, le cinéma, avec Fritz Lang et F. W. Murnau, ou encore la peinture avec Otto Dix. Ses représentants expriment une vision sévère de la société d’après-guerre. La critique se fait plus radicale encore dans le théâtre de Berthold Brecht, influencé par le marxisme. D’autres, comme Thomas Mann, prix Nobel de littérature en 1929, ou le philosophe Oswald Spengler sont à la recherche d’une société nouvelle, que les théoriciens d’une révolution nationaliste s’efforcent de fonder sur une jeunesse virile et obéissante, représentative d’une prétendue supériorité de la race allemande.
La montée du nazisme
La stabilisation du régime de Weimar, entre 1924 et 1929, n’enraye pas la progression de la droite nationaliste. En 1925, le maréchal Hindenburg est élu à la présidence de la République (1925-1934) avec le soutien des nationaux-allemands du DNVP. En juillet 1929, le DNVP, mené par Hugenberg, pangermaniste convaincu, magnat de la presse et du cinéma allemands, scelle une alliance avec le NSDAP dont Hitler, sorti de prison en 1925, a repris la direction. Les deux mouvements disposent d’une formation paramilitaire, le Casque d’acier (Stahlhelm) pour le DNVP et les SA (« sections d’assaut »), créées par Ernst Röhm, pour le NSDAP.
La crise économique mondiale de 1929, qui frappe durement l’Allemagne, précipite des millions de chômeurs, désillusionnés par la démocratie capitaliste, vers les extrêmes politiques, le Parti national-socialiste (NSDAP) à droite, et le Parti communiste allemand (KPD) à gauche. Malgré de nouveaux succès diplomatiques en 1932, notamment à la conférence de Lausanne où sont effacées les réparations de guerre imposées à l’Allemagne, le régime ne peut résister à la montée du nazisme. En septembre 1930, les élections consacrent l’effondrement des partis de la coalition de Weimar (Zentrum, Parti social-démocrate) au profit du NSDAP et du KPD. La formation d’un front unissant socialistes et catholiques, soutenu par les syndicats, offre à la République de Weimar un répit de deux ans. Mais, aux élections de 1932, grâce à une campagne de propagande et d’intimidation, le parti nazi remporte le plus grand nombre de sièges au Reichstag (196 sièges) et réclame la direction du gouvernement.
Partisans d’un pouvoir fort, capable de redresser le pays et de faire rempart au communisme, les milieux d’affaires soutiennent la candidature de Hitler à la chancellerie. Le 28 janvier 1933, le président Hindenburg nomme le chef du NSDAP au poste de chancelier. Le IIIe Reich est né !
Le IIIe Reich
Adolf Hitler met rapidement en œuvre son programme, dont les grands principes sont définis dans Mein Kampf, ouvrage qu’il a écrit durant ses années de détention et dans lequel il expose l’ordre nouveau qu’il entend imposer à l’Europe. Le nazisme propose non seulement aux Allemands d’effacer l’humiliation du diktat de Versailles mais, plus encore, de conquérir un « espace vital » pour la « race supérieure » aryenne. Aux millions de chômeurs victimes de la récession économique mondiale, Hitler promet du pain et du travail et désigne les principaux responsables des maux de l’Allemagne : les démocrates en général, les juifs et les communistes en particulier. Excellent orateur et habile propagandiste, il rencontre un écho dans toutes les classes d’une société bouleversée par la crise.
L’instauration du régime totalitaire en Allemagne
Pour affermir d’emblée son pouvoir, le nouveau chancelier obtient la dissolution du Reichstag et entreprend d’éliminer ses adversaires socialistes et communistes, qui sont pourchassés par les SA durant la campagne électorale. Le 25 février 1933, l’incendie du Reichstag, dont la responsabilité est opportunément attribuée aux communistes, provoque l’interdiction du KPD. Le 23 mars, Hitler obtient du Reichstag les pleins pouvoirs, grâce aux voix des nationaux et du Zentrum, le NSDAP ne disposant pas alors de la majorité parlementaire.
Dès lors, les dirigeants nazis ont toute latitude pour établir un régime totalitaire. La nazification du pays est très rapide. Les opposants au régime sont internés dans les camps de concentration, dont les premiers, notamment Dachau, sont ouverts en 1933. En décembre 1933, après l’interdiction du KPD, du SPD, des syndicats et le retrait des autres partis politiques, le NSDAP, s’appuyant sur les polices militarisées du parti, les SA et les SS (Schutzstaffel), devient le seul parti autorisé. Progressivement, les Allemands sont embrigadés et encadrés dans les multiples organisations affiliées au parti unique (Front du travail — Arbeitsfront — pour les ouvriers, Jeunesse hitlérienne, etc.).
Après la mort d’Hindenburg, en août 1934, Hitler cumule les fonctions de chancelier et de chef de l’État. Il met en place un Reich fortement centralisé, supprimant successivement les Assemblées des Länder et le Reichsrat. Tandis que Hermann Göring, ministre de la Propagande, orchestre le culte du Reichsführer et l’exaltation de l’idéologie nazie, Heinrich Himmler, chef des SS depuis 1929, met en place un État militaire et policier. Il obtient, en 1934, le contrôle de la Gestapo, police secrète d’une efficacité redoutable, qui étouffe toute opposition jusqu’en 1944.
La culture et l’enseignement passent également sous le contrôle de l’appareil totalitaire nazi.
Il reste aux dirigeants nazis, après avoir évincé toute contestation politique, à mettre au pas la Wehrmacht. Le grand état-major allemand, âme du militarisme prussien et allemand depuis près deux siècles, n’affiche guère de sympathie envers Hitler. Il se rallie toutefois au régime après la Nuit des longs couteaux, épuration sanglante effectuée au sein du Parti national-socialiste. Les principaux responsables des SA, dont leur chef, Ernst Röhm, qui, par leurs projets de révolution sociale et d’absorption de la Wehrmacht, contrecarrent les plans d’Hitler, sont assassinés dans la nuit du 30 juin au 1er juillet 1934. Ce massacre permet également à la SS d’asseoir son pouvoir. Son chef, Himmler, est chargé de conduire la politique raciste du Reich. En tant que dirigeant des forces de police et de répression nazie (SS, Gestapo, etc.), il mène un programme impitoyable d’extermination des juifs.
Les premières mesures antisémites sont prises en 1933 avec le boycott des magasins juifs. Le 15 septembre 1935 est proclamée une législation antijuive, à l’issue du congrès annuel du Parti national-socialiste, réuni à Nuremberg. Les lois de Nuremberg sur la « protection du sang allemand et de l’honneur allemand » privent les juifs de la citoyenneté allemande et leur interdisent toute relation avec les « aryens ». La Nuit de cristal (Kristallnacht), vaste pogrom qui se déroule dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938 à l’encontre des juifs, marque le début d’une persécution systématique de la communauté juive allemande. Exclus de la société, arrêtés et envoyés dans des camps de concentration, où sont également enfermés Tziganes, homosexuels, témoins de Jéhovah et communistes, les juifs n’ont de salut que dans la fuite.
En 1939, la moitié des 500 000 juifs vivant en Allemagne ont quitté le pays.
Parmi eux, de nombreux artistes, intellectuels et scientifiques, qui ne peuvent plus s’exprimer ou exercer leur métier.
La marche vers la guerre
Les projets expansionnistes d’Hitler exigent la mise en place d’une économie dirigiste, entièrement tournée vers la satisfaction des besoins du Reich et la restauration de la puissance militaire allemande. La politique de réarmement lancée par le Führer satisfait ces deux impératifs et contribue, avec les grands chantiers publics, à résorber le chômage. Elle achève également de rallier les militaires de la Wehrmacht.
Hitler procède par coups de force successifs, testant les capacités de réaction des puissances européennes. En octobre 1933, l’Allemagne quitte la Société des Nations. En mars 1935, après avoir récupéré la Sarre par plébiscite, le Führer instaure un service militaire obligatoire d’un an. Sans susciter d’opposition, l’Allemagne se réarme et développe sa flotte avec l’accord des Britanniques (accord naval de juin 1935). Une à une, les clauses du traité de Versailles sont bafouées. Le 7 mars 1936, la Rhénanie est occupée. Les démocraties occidentales n’en participent pas moins aux jeux Olympiques de Berlin (1936) et ne réagissent guère lorsque, au congrès annuel de Nuremberg, en septembre, Hitler prolonge à deux ans le service militaire et annonce l’accélération du plan de réarmement.
Assuré de sa nouvelle puissance militaire, fort du pacte anticommuniste signé avec le Japon puis avec l’Italie fasciste de Benito Mussolini, Hitler poursuit l’escalade. En 1938, l’Allemagne occupe l’Autriche et déclare l’Anschluss (« rattachement »). Cette même année, la Grande-Bretagne, la France et l’Italie acceptent, par les accords de Munich, le principe de l’annexion du territoire des Sudètes, région appartenant à la Tchécoslovaquie mais peuplée de germanophones, contre la promesse de l’Allemagne d’en rester là. En mars 1939, reniant sa parole, Hitler occupe toute la Tchécoslovaquie. Le 21 mai 1939, l’Allemagne et l’Italie signent le pacte d’Acier, traité d’assistance militaire. Cette politique d’agression vers l’est exige cependant de se prémunir contre une riposte soviétique. Le 23 août 1939 est signé un pacte de non-agression avec l’URSS de Joseph Staline, contenant une clause secrète sur le partage de la Pologne (voir pacte germano-soviétique).
Les revendications allemandes sur Dantzig (Gdańsk) entraînent la signature d’un pacte entre la Pologne et la Grande-Bretagne et la mobilisation des troupes polonaises. Le 1er septembre 1939, la Wehrmacht envahit la Pologne. Le 3 septembre, la Grande-Bretagne et la France déclarent la guerre au Reich, déclenchant ainsi la Seconde Guerre mondiale.
Le conflit mondial
En quelques semaines, l’Allemagne s’empare de la Pologne grâce à la technique du Blitzkrieg (« guerre-éclair »). La Pologne est partagée avec l’URSS en vertu du pacte germano-soviétique. Puis, en mai 1940, les divisions blindées allemandes écrasent la France en une campagne de quarante jours. Le Danemark et la Norvège sont occupés. L’Angleterre soutient seule l’effort de guerre, avec l’appui économique et industriel des États-Unis. En juin 1941, l’Allemagne nazie attaque l’URSS, escomptant une nouvelle guerre-éclair. Mais la résistance opposée par l’Armée rouge annonce une profonde modification du cours du conflit.
Engagé à partir de février 1942 dans une guerre totale, le Reich exploite à outrance les pays satellisés. Les territoires de l’est sont mis en coupe réglée et soumis à une politique de colonisation et de germanisation. Jusqu’en 1943, 1 million de colons allemands viennent s’établir sur les terres prises aux Slaves, qu’Hitler entend repousser au-delà de l’Oural, et aux juifs, que le nazisme voue à l’extermination.
Dès l’automne 1940, les populations juives de Pologne sont enfermées dans des ghettos, comme le ghetto de Varsovie. En 1941, en Ukraine et dans les pays baltes, les juifs sont systématiquement recherchés et exterminés par des commandos, les Einsatzgruppen, opérant en arrière de la ligne de front sous le commandement du général Vom den Bach Zelewski. Le 20 janvier 1942, à la conférence de Wannsee, réunissant les dignitaires nazis, il est décidé de mettre en place la « solution finale à la question juive ». Des camps d’extermination sont construits pour mettre en œuvre, à l’échelle industrielle, le génocide des juifs d’Europe : Treblinka, Sobibór, Majdanek, Auschwitz, Belzec, Chelmno.
Entre 5 et 6 millions de juifs périssent dans l’Holocauste.
L’entrée en guerre des États-Unis et la résistance des Soviétiques décident du sort de la guerre. En février 1943, la capitulation de la VIe armée allemande conduite par Von Paulus, vaincue à l’issue de la bataille de Stalingrad, a un immense retentissement psychologique. L’Allemagne et ses alliés perdent peu à peu l’initiative de la guerre. Les forces britanniques et américaines débarquent en Normandie en 1944 , tandis qu’à l’est les Soviétiques avancent inexorablement vers l’ouest. Hitler se suicide juste avant l’entrée des chars soviétiques dans Berlin, le 30 avril 1945.
La division et la réunification de l’Allemagne
La capitulation sans conditions de l’Allemagne, le 8 mai 1945, met un terme au IIIe Reich. Environ 5,5 millions d’Allemands ont trouvé la mort dans le conflit et 2 millions sont invalides. Le pays, amputé du quart de son territoire, est partagé en quatre zones d’occupation (soviétique, américaine, britannique, française). À la conférence de Potsdam, en juillet 1945, les Alliés définissent les objectifs de l’occupation : dénazification et démocratisation.
En novembre 1945 s’ouvre le procès de Nuremberg (pour crimes de guerres), au cours duquel sont jugés les principaux criminels de guerre nazis. Les autres membres du parti nazi sont jugés par des tribunaux allemands, sous le contrôle des Alliés. La dénazification est incomplète et partiale. Ainsi, de nombreux nazis sont utilisés en raison de leurs compétences scientifiques par les Américains et les Soviétiques.
La naissance de deux États
Entre mai et septembre 1946, les Allemands habitant les zones d’occupation occidentales peuvent voter pour élire les conseils municipaux et les Assemblées consultatives des Länder. Au printemps 1947, les Länder de l’Ouest se dotent de Constitutions démocratiques et de gouvernements locaux.
La guerre froide fait éclater l’alliance fragile entre les anciens alliés. Après l’échec de la conférence de Moscou en avril 1947, alors que le président des États-Unis, Harry Truman, a défini sa politique de containment, l’idée d’un État d’Allemagne occidentale, suffisamment fort pour pouvoir contenir l’expansionnisme soviétique, progresse chez les Américains et les Britanniques, puis chez les Français. Le coup de force communiste de Prague (février 1948), en Tchécoslovaquie, puis le blocus de Berlin imposé par les Soviétiques, de juin 1948 à mai 1949, rallie la population et les partis politiques des zones occidentales à l’idée de la création d’une Allemagne de l’Ouest.
Dès 1948, les trois zones situés à l’ouest ont été fusionnées et les Allemands encouragés à former un gouvernement démocratique. En octobre 1948, le Conseil du peuple allemand, qui a été instauré dans la zone d’occupation soviétique, accepte une Constitution qui donne naissance à la République démocratique allemande (RDA), État socialiste créé sur le modèle soviétique. En mai 1949, le Conseil parlementaire ouest-allemand, constitué par 75 délégués des Länder et présidé par Konrad Adenauer, adoptent la Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne (RFA).
L’unité retrouvée
L’arrivée au pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev en URSS et sa politique de perestroïka jouent un rôle essentiel dans la chute des régimes communistes d’Europe de l’Est. La RFA renforce sa coopération avec la RDA, dont les dirigeants résistent au changement. Après l’ouverture des frontières en Pologne, en Hongrie puis en Tchécoslovaquie, qui déclenche un mouvement de migration des Allemands de l’Est vers l’Occident, la contestation s’organise en RDA.
Le 9 novembre, l’ouverture et la destruction du mur de Berlin scellent les retrouvailles du peuple allemand et amplifient la vague de départs vers l’Ouest. Malgré les craintes et les réticences exprimées par les voisins de l’Allemagne, le chancelier ouest-allemand Helmut Kohl lance, le 28 novembre, le processus de réunification, en proposant un programme en dix points. Début février 1990, Hans Modrow, son homologue est-allemand, se rallie à l’idée d’une réunification en quatre étapes.
Le processus se précipite après les premières élections législatives libres en RDA, le 18 mars, qui voient la victoire des partisans d’une unification rapide. Le 18 mai 1990 est signé le traité d’union économique et monétaire, qui entre en vigueur en juillet. Après la signature du traité d’unification, le 31 août, et sa ratification par les deux Parlements le 20 septembre, la réunification politique est officiellement proclamée le 3 octobre 1990.
La coalition gouvernementale dirigée par Helmut Kohl enregistre une victoire décisive lors des premières élections de l’Allemagne réunifiée, en décembre 1990. Le 20 juin 1991, le nouveau Bundestag choisit Berlin comme capitale de l’Allemagne.
Les conséquences de la réunification
La réunification entraîne une série de difficultés économiques et sociales, qui s’annoncent longues à résorber. Le fossé est visible entre les deux Allemagnes, entre les « Ossis » dont le niveau de vie demeure inférieur et qui peinent à trouver leur place dans le nouveau système économique et politique, et les « Wessis », nombreux à penser qu’ils sacrifient leur niveau de vie pour soutenir les Allemands de l’Est. Dans un pays qui fait figure de géant économique, la pauvreté croissante d’une partie de la population accroît les tensions entre communautés, les premières victimes étant les étrangers, travailleurs immigrés et demandeurs d’asile.
L’Allemagne réunifiée doit également trouver sa place sur la scène internationale. À l’été 1994, le départ des dernières troupes d’occupation à l’Ouest comme à l’Est fait de l’Allemagne une nation totalement souveraine. Si elle a obtenu une représentation plus importante au Parlement européen, plus conforme à son poids politique, économique et démographique, l’Allemagne demande toujours un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies.
Les partenaires européens de l’Allemagne, au premier rang desquels la France, s’inquiètent, craignant de voir le pays se tourner davantage vers l’Est au détriment de la construction européenne. En 1993, les électeurs allemands approuvent pourtant le traité de Maastricht et l’entrée de l’Allemagne dans la nouvelle Union européenne (UE). Attachés à l’élargissement de l’Union et favorables à une réforme institutionnelle allant dans le sens d’une fédéralisation, les dirigeants allemands renforcent, dans le même temps, les liens avec les anciens États communistes. En juin 1991, après que l’Allemagne a reconnu la frontière Oder-Neisse avec la Pologne, les deux pays signent un traité de coopération. En février 1992, un traité d’amitié est conclu avec la Tchécoslovaquie.
La question des biens et propriétés des Allemands des Sudètes expulsés en 1945 demeure cependant en suspens avec la République tchèque.
Image - Cartes - Photos : robe en pagne pour jeune fille - Pape francois1 - photo de hitler jeune homme - robe pagne jeune fille -