Demeurée en retrait durant la guerre du Golfe l’Allemagne , s’engage davantage dans la crise en ex-Yougoslavie, reconnaissant dès la fin 1991, contre l’avis de ses partenaires européens, l’indépendance de la Croatie et de la Slovénie. En 1993, elle participe aux missions de l’ONU au Cambodge et en Somalie. Son engagement demeure toutefois purement humanitaire.
L’Allemagne reconstruite
En Allemagne, le débat suscité par une éventuelle participation militaire à des interventions armées situées hors des zones couvertes par l’OTAN reçoit un début de réponse lorsque la Cour constitutionnelle fédérale autorise, en juillet 1994, ce type de participation, sous réserve de l’approbation du Bundestag. En septembre 1995, un contingent de soldats allemands est envoyé en ex-Yougoslavie avec mission de protéger la Force de réaction rapide. Il s’agit de la première intervention de l’Allemagne dans un conflit armé à l’étranger depuis la Seconde Guerre mondiale. En décembre 1996, l’Allemagne signe avec la France un document définissant un « concept commun de sécurité et de défense », prélude à une politique européenne de défense.
Dans ce texte, qui place les deux pays à parité stratégique, l’Allemagne affirme sa volonté de renforcer la sécurité non seulement en Europe mais également dans le bassin méditerranéen.
La situation intérieure de l’Allemagne : une économie fragile
La forte hausse du chômage, qui atteint des niveaux records durant les années 1996-1997, la dégradation du marché de l’emploi et la politique d’austérité imposée par le gouvernement fédéral, qui porte notamment atteinte aux prestations sociales, sont à l’origine d’une grave crise sociale. Celle-ci est au cœur des débats de politique intérieure à partir de 1995. Les syndicats allemands, qui ont accepté dans un premier temps un effort consensuel, rompent les négociations, à l’image du syndicat de la métallurgie, IG Metall. En février 1999, toutefois, un accord concernant les salaires est finalement signé entre ce syndicat et le patronat. Plusieurs manifestations de masse se déroulent pour dénoncer la politique gouvernementale et la remise en cause du modèle économique et social de l’Allemagne.
Malgré une reprise économique amorcée en 1997, qui permet à l’Allemagne de faire partie des onze pays retenus en mai 1998 pour adhérer à l’Union économique et monétaire (UEM), la situation demeure préoccupante. Ainsi, pour la première fois depuis 1949, les salaires nets sont en baisse. Les quelques réformes adoptées (suppression de l’impôt sur la fortune, restriction de la protection contre le licenciement dans les petites entreprises de moins de dix salariés) n’ont pas d’effet sur le chômage qui touche un actif sur cinq dans l’ex-Allemagne de l’Est. L’économie donne, dès la fin 1998, des signes de ralentissement affichant un taux de croissance de 2,3%. En mai 1998, l’Allemagne est le premier pays européen à ratifier le traité d’Amsterdam.
Critiqué pour ne pas avoir su moderniser le pays, Helmut Kohl doit, en outre, faire face à une situation politique délicate, marquée par la victoire très nette du social-démocrate Gerhard Schröder lors des élections dans le Land de Basse-Saxe en mars 1998 et par un important revers de la CDU, lors des élections dans le Land de Saxe-Anhalt (avril 1998), qui voient par ailleurs une percée de l’extrême droite de la Deutsche Volksunion (13,2 p. 100 des voix).
L’alternance politique : la coalition rouge-verte
Aux élections législatives de septembre 1998, remportées par le SPD de Gerhard Schröder (40,9 p. 100 des voix), la CDU-CSU obtient son plus mauvais score depuis 1949 (35,2% des voix), ce qui entraîne la démission d’Helmut Kohl de son poste de président de la CDU. Avec les Verts (6,7 p. 100 des voix), Gerhard Schröder forme un gouvernement de coalition, dont le programme inclut notamment : réforme fiscale, lutte contre le chômage, introduction d’un impôt écologique, hausse des allocations familiales, réforme du code de la nationalité (adopté en mai 1999, il introduit pour la première fois la notion de droit du sol) et abandon progressif du nucléaire. Dans les mois qui suivent son arrivée à la chancellerie, Gerhard Schröder essuie plusieurs échecs : abandon de l’interdiction de retraitement des déchets nucléaires, démission d’Oskar Lafontaine de son poste de ministre des Finances et de la présidence du SPD, qui échoit alors à Gerhard Schröder, revers électoraux lors des élections régionales, qui font perdre à la coalition gouvernementale la majorité au Bundesrat, et lors des élections européennes de juin 1999 (30,7% des voix contre 48,7 p. 100 à la CDU-CSU).
Johannes Rau, social-démocrate, succède en mai 1999 au chrétien démocrate Roman Herzog, devenant ainsi le huitième président de la RFA, peu après l’inauguration du nouveau Reichstag à Berlin. Dans la crise du Kosovo, l’Allemagne joue un rôle à la fois militaire et diplomatique (avec Joschka Fischer, à la tête du ministère des Affaires étrangères) et, à l’issue du conflit, elle se voit confier, après la division du Kosovo en cinq secteurs, le contrôle de l’un d’entre eux, au sein de la KFOR. L’existence d’un plan serbe de nettoyage ethnique, qui a servi de justification à cette intervention, donne lieu à un vif débat entre le gouvernement et une partie de l’armée.
Quelques semaines après la célébration du 10e anniversaire de la chute du mur de Berlin, en novembre 1999, autour d’Helmut Kohl, Mikhaïl Gorbatchev et Georges Bush, éclate le scandale des caisses noires (financement occulte) de la CDU, qui touche de nombreuses personnalités, dont l’ex-chancelier Helmut Kohl, président d’honneur du parti, et son successeur à la tête du mouvement, Wolfgang Schäuble, contraints tous deux de démissionner. Cette affaire déclenche une profonde crise de la droite allemande, forcée de se renouveler, et permet au SPD de remporter les élections de Rhénanie du Nord-Westphalie en mai 2000.
Si la situation économique s’avère bonne avec la hausse du PIB qui atteint 3,1%, soit le niveau le plus élevé depuis le « boom » économique ayant immédiatement suivi la réunification, en revanche le gouvernement doit faire face à plusieurs problèmes sur le plan politique. Les Verts, partenaires essentiels de la coalition gouvernementale, connaissent une série de revers électoraux dans des scrutins régionaux. L’apparition en décembre 2000 des premiers cas d’encéphalopathie spongiforme en Allemagne, alors que jusqu’alors plusieurs ministres avaient affirmé que le pays ne risquait rien, entraîne une crise au sein du gouvernement, accusé de n’avoir pas su gérer le dossier.
Après la démission du ministre de l’Agriculture Karl-Heinz Funke, membre du SPD, et du ministre de la Santé Andrea Fischer, membre des Verts, en janvier 2001, la co-présidente des Verts, Renate Künast, se voit confier un ministère de l’Agriculture englobant l’alimentation et la protection des consommateurs. Il s’agit de privilégier une agriculture plus écologiste et moins productiviste. Enfin, la reprise des convois de déchets nucléaires vers la France, qui avaient été arrêtés depuis 1998, provoque une crise au sein des Verts. Au mois de novembre 2001, les députés allemands votent la motion de confiance présentée par le chancelier Gerhard Schröder. Elle est liée à l’approbation de la « mise à disposition » de 3 900 soldats allemands pour participer à l’opération « Liberté immuable » menée par les États-Unis en Afghanistan au lendemain des attentats perpétrés contre le World Trade Center et le Pentagone deux mois auparavant.
Pour la première fois, la Bundeswehr s’apprête à participer à des opérations militaires en dehors de l’OTAN. Il s’agit pour les responsables politiques allemands d’une étape supplémentaire vers une souveraineté complète de l’Allemagne. Peu après, Gerhard Schröder est réélu à la présidence du Parti social-démocrate (SPD). Le 1er janvier 2002, l’introduction de l’euro constitue un succès en Allemagne comme dans les onze autres pays de l’Union européenne (UE) qui l’ont adopté comme monnaie unique.
Les élections législatives de septembre 2002 sont remportées par la coalition « rouge-verte » grâce au bon résultat des Verts. En effet, alors que le SPD et la CDU obtiennent le même pourcentage de voix (38,5%), les Verts réalisent le meilleur score de leur histoire (8,6% des voix, soit 56 sièges), ce qui permet à Gerhard Schröder d’être reconduit à la chancellerie. Avec 7,4% des voix (47 sièges), les libéraux du FDP sont les grands perdants de l’élection, passant de la 3e à la 4e place sur l’échiquier politique tandis que les néo-communistes du PDS n’obtiennent que 2 sièges contre 36 auparavant. Au même moment, de manière inédite, l’Allemagne ne s’aligne pas sur les États-Unis en refusant de participer à la guerre en Irak, ce qui tend à la rapprocher de la France qui soutient la même ligne diplomatique.
Confronté à une hausse du chômage, à une très faible croissance et à un fort déficit budgétaire (4 p. 100 en 2003), le gouvernement engage un vaste mouvement de réformes (l’Agenda 2010) qui touchent à la protection sociale, aux retraites, à la fiscalité, à l’emploi ou encore à l’enseignement. Elles suscitent des oppositions dans la population, de la part des syndicats et au sein de l’aile gauche du SPD. Cette situation incite Gerhard Schröder à démissionner de ses fonctions de président du SPD en février 2004 afin de se consacrer à ses fonctions gouvernementales. Au mois de mai, Horst Köhler, candidat de la CDU et du FDP, est élu à la présidence de la République. Il succède au social-démocrate Johannes Rau.
Les élections européennes de juin 2004 sont marquées par la défaite du SPD, en recul de 9 points (21,5% des suffrages, 23 sièges sur 99), loin derrière la CDU (36,5% des suffrages, 49 sièges), tandis que les Verts doublent presque leur score de 1999 (11,9% des suffrages, 13 sièges). Le SPD fait les frais de la mauvaise situation économique qui prévaut toujours en Allemagne, alors que la population continue de se mobiliser contre les réformes sociales mises en œuvre par le gouvernement. Au mois d’octobre, le pays déplore le score du parti néonazi (NPD) qui obtient 9,2% des suffrages (12 sièges) au Parlement de Saxe, dans l’Est de l’Allemagne, où se développent tout particulièrement les rancœurs nées de la réunification dans le contexte de la crise économique. En mai 2005, le Bundestag et le Bundesrat ratifient le traité établissant une Constitution pour l’Europe, mais son avenir est compromis à la suite des référendums organisés en France et aux Pays-Bas quelques jours plus tard, dont les résultats sont négatifs.
La grande coalition CDU-SPD
À la suite de la défaite du SPD aux élections locales de mai 2005, Gerhard Schröder organise un vote de défiance au Parlement qui entraîne la convocation d’élections anticipées. Par ce pari jugé très risqué par de nombreux analystes, le chancelier espère obtenir une majorité claire de soutien à ses réformes. La CDU donnée largement gagnante en début de campagne voit son avance se réduire jusqu’au scrutin de septembre 2005 qui ne permet pas de dégager une majorité claire. La CDU obtient en effet 35,2% des suffrages (226 sièges) et le SPD 34,2% des suffrages (222 sièges). Avec 9,8% des suffrages (61 sièges), le FDP obtient pour sa part l’un de ses meilleurs scores, mais celui-ci ne suffit pas pour former une majorité avec la CDU du fait de la contre-performance de cette dernière. Le Parti de gauche, regroupant le PDS et l’Alternative électorale pour le travail et la justice sociale (WASG), réussit sa percée en recueillant 8,7% des suffrages (54 sièges), devant les Verts qui obtiennent 8,1% des suffrages (51 sièges).
Plusieurs semaines de négociations sont alors nécessaires pour aboutir à la formation d’une grande coalition entre la CDU et le SPD (la deuxième après celle mise en place entre 1966 et 1969), dirigée par Angela Merkel, la présidente de la CDU. Un programme de gouvernement organisé autour des mots d’ordre « assainir, réformer et investir » est adopté avec pour objectif de réintégrer les seuils exigés par le Pacte de stabilité et de relancer la croissance et l’emploi.
Image - Cartes - Photos : schroeder et la yougoslavie mai 1999 -