Le 14 mars 1879, naissait Albert Einstein (mort en 1955), physicien et prix nobel en 1921. C’est arrivé il y a maintenant 137 ans.
Ephéméride du 14 Mars 2016 : ALbert Einstein
Portrait du célèbre physicien suisse d’origine allemande nationalisé américain Albert Einstein (1879-1955), qui marqua profondément la science moderne en établissant la théorie de la relativité. Il reçut le prix Nobel en 1921.
La jeunesse de Einstein
Né à Ulm, Einstein passe sa jeunesse à Munich, où sa famille possède un petit atelier de fabrication de machines électriques. Dès le plus jeune âge, il fait preuve d’une intense curiosité, montrant une aptitude remarquable à comprendre les concepts mathématiques les plus ardus. À 12 ans, il apprend seul les fondements de la géométrie euclidienne.
Quand une faillite commerciale oblige sa famille à quitter l’Allemagne pour s’installer à Milan, Einstein suit ses parents en Italie durant un an, avant de partir à Munich pour y terminer ses études secondaires. Il entre ensuite, en 1896, à l’École polytechnique fédérale de Zurich, où il ne brille ni par ses résultats, ni par son assiduité aux cours. Il réussit néanmoins ses examens et obtient sa licence en 1900.
Plutôt mal considéré par ses professeurs, Einstein n’est pas recommandé pour une place d’enseignant à l’université. Naturalisé suisse, il décroche en 1902 un poste à l’Office fédéral des brevets suisses de Berne. Il se marie l’année suivante avec Mileva Marić, une ancienne camarade de classe de l’Institut polytechnique.
Einstein étudie les mathématiques et la physique à Zurich, dans l’intention de devenir professeur de lycée. Après avoir travaillé un an comme professeur adjoint, il devient fonctionnaire à l’Office fédéral des brevets de Berne. En 1909, il quitte l’Office des brevets pour devenir professeur d’université à Zurich. A partir de 1914, il enseigne à Berlin, où il est nommé, en 1917, directeur de l’Institut Kaiser Wilhelm nouvellement fondé.
En 1916, il présente sa théorie de la relativité générale. Il obtient le prix Nobel de Physique en 1921.
Contraint à l’expatriation par le régime national-socialiste, il émigre aux Etats-Unis. Effrayé par l’expansion hitlérienne, il devient un apôtre de la bombe atomique dès 1938 avec le projet Manhattan. Il prend la nationalité américaine en 1940. Après 1945, il adopte une position plus mitigée concernant l’emploi de l’arme nucléaire, pour devenir franchement pacifiste. Il prend des distances par rapport à la recherche spécialisée. Il cherche à élaborer une théorie globale, applicable à tous les domaines de la physique, qui permettrait d’expliquer toutes les forces physiques. Mais sa recherche d’une formule universelle reste sans succès.
Travaux et publications d’Einstein
En 1905, Einsitein publie trois mémoires dont chacun aurait mérité un prix Nobel :
1- Le premier traite de l’effet photoélectrique
Dans le premier article, Einstein réussit à expliquer grâce à l’hypothèse quantique émise par Max Planck (contribuant ainsi au succès de cette nouvelle théorie). Il donne une explication à l’effet photoélectrique en émettant l’hypothèse que la lumière est constituée de grains d’énergie, appelés par la suite photons. Il postule également que ces quanta doivent posséder une énergie proportionnelle à la fréquence du rayonnement, proposant la formule E = hu, où E représente l’énergie rayonnée, h la constante de Planck, et u la fréquence du photon. L’existence de ces photons ne sera confirmée que dix-huit ans plus tard par le physicien américain Arthur Compton, lors d’une expérience sur les rayons X.
Einstein, dont l’intérêt premier est de comprendre la nature du rayonnement électromagnétique, contribue par la suite au développement de la théorie, élaborée par Louis de Broglie en 1923, qui reprend en les unifiant les modèles ondulatoire et corpusculaire de la lumière.
2 – Le Mouvement brownien
Dans le deuxième article, il élabore une loi, en s’appuyant sur la physique statistique et le calcul des probabilités, qui permet de calculer la taille des molécules impliquées dans le mouvement brownien.
Le deuxième publié concerne l’étude du mouvement brownien, c’est-à-dire le mouvement aléatoire de particules en suspension dans un fluide. Faisant appel aux probabilités, Einstein y formule une description mathématique du phénomène.
3 – Théorie de la relativité restreinte
Le troisième contient sa théorie de la relativité restreinte, qui révolutionnera la physique.
En effet, dans le troisième article, de loin le plus célèbre, Einstein expose la théorie fondamentale de la relativité restreinte. Depuis l’époque de Newton, les scientifiques tentaient sans succès de relier les lois du mouvement aux lois de Maxwell dans le cadre d’une description unifiée du monde. Selon la conception mécaniste, les lois du mouvement devaient pouvoir expliquer la totalité des phénomènes, alors que, d’après les partisans de Maxwell, les lois de l’électricité devaient constituer le fondement de la physique. Mais ces deux grands ensembles théoriques demeuraient l’un et l’autre incapables de donner une explication cohérente de l’aspect que prend l’interaction de la lumière avec la matière dans différents repères inertiels, c’est-à-dire à une vitesse constante les uns par rapport aux autres.
Au printemps 1905, Einstein se rend compte que le cœur du problème ne réside pas dans la théorie de la matière, mais dans la théorie de la mesure. Il est donc amené à réviser les notions de mesure d’espace et de temps, cela le conduit à développer une théorie fondée sur deux postulats :
- Le principe de la relativité, stipulant que toutes les lois de la physique sont similaires dans tous les repères inertiels
- Le principe de l’invariance de la vitesse de la lumière, énonçant que cette vitesse dans le vide est une constante universelle.
Grâce à cette théorie, il est alors capable de donner une description logique et correcte des événements physiques dans des repères inertiels différents, sans devoir émettre pour autant des hypothèses particulières sur la nature de la matière ou du rayonnement, ou sur la façon dont ils interagissent.
Le quatrième article qu’Einstein publie en 1905 correspond en fait à un corollaire du précédent : il y expose la notion nouvelle d’équivalence entre masse et énergie, introduisant la célèbre formule E = mc2. Voir lois de conservation.
Les articles d’Einstein retiennent bien vite l’attention des grands scientifiques de l’époque, même si la plupart d’entre eux restèrent fort sceptiques. Le rejet global de ses théories n’est dû ni à leur complexité mathématique, ni à quelque obscurité technique, mais plutôt à l’approche même du sujet par Albert Einstein.
Adoptant, en effet, un point de vue très personnel sur la manière d’appréhender l’expérience et la théorie, celui-ci considère ainsi que l’expérience constitue la seule source de connaissance réelle, les théories scientifiques n’étant que des créations libres, produites par une intuition physique profonde. Il croit en outre que les prémisses sur lesquelles sont fondées les théories ne peuvent être reliées à l’expérimentation par la logique. Par conséquent, une théorie se montre valable à ses yeux si elle contient le strict minimum de postulats nécessaires à la justification d’une preuve physique. Cette rareté des postulats, caractéristique de toute l’œuvre d’Einstein, peut expliquer pourquoi ses collègues sont si réticents à admettre ses théories.
Toutefois, Einstein est quand même soutenu par d’éminents physiciens, à commencer par l’Allemand Max Planck. Acquérant rapidement une certaine reconnaissance au sein de la communauté scientifique, il participe à de nombreux congrès où il essaie de faire accepter la théorie de la relativité restreinte. Il se fait ainsi une place dans le monde universitaire germanophone, et obtient sa première affectation universitaire, en 1909, à l’université de Zurich. En 1911, il occupe un poste à l’université de Prague, avant de retourner l’année suivante à Zurich. En 1913, il accepte un poste de professeur de l’institut Kaiser-Wilhelm de physique à Berlin.
Il énonce sa théorie générale de la relativité en 1916. Il reçoit le prix Nobel de Physique en 1921 pour la découverte des lois régissant l’effet photoélectrique. Il participe également à l’élaboration de la théorie quantique.
La théorie de la relativité
Les travaux d’Albert Einstein ont une influence primordiale sur la physique au point d’entraîner une refonte totale des notions habituellement admises sur le temps, l’espace et la matière.
Avant son départ de l’Office des brevets, Einstein a déjà commencé à travailler à l’extension et à la généralisation de sa théorie de la relativité au-delà des seuls repères inertiels. Dans ce cadre, il énonce le principe d’équivalence, postulant que le champ de gravitation est équivalent à l’accélération, suivant le repère de référence dans lequel se situe l’observateur. Par ailleurs, il introduit le concept d’espace-temps, espace à quatre dimensions comprenant les trois dimensions de l’espace classique et le temps (voir géométrie dans l’espace). Cette abstraction mathématique lui permet d’étudier les interactions entre les corps dans un nouveau contexte, interactions attribuées jusque-là au champ gravitationnel.
Publiée en 1916, la théorie de la relativité générale apparaît à bon nombre de physiciens comme une théorie plus philosophique que scientifique, voire quasi mystique. Pourtant, cette théorie permet à Einstein d’expliquer les variations du mouvement orbital de certaines planètes, mais également de prédire la courbure de la lumière des étoiles à proximité d’un corps massif comme le Soleil. La confirmation de ce dernier phénomène lors d’une éclipse solaire en 1919 accrédite les thèses d’Einstein, qui occupe dès lors le devant de la scène scientifique.
Pendant le reste de sa vie, il tente de généraliser encore davantage sa théorie, travaillant à l’unification de l’électromagnétisme et de la gravitation, mais ses travaux ne sont pas couronnés de succès (voir théorie des champs unifiée).
Comment je vois le monde, Albert Einstein
Dans son livre Comment je vois le monde, publié en 1934, Albert Einstein dévoile avec ferveur et philosophie ses convictions scientifiques, politiques, morales et sociales. L’extrait présenté ici décrit la démarche scientifique de cet homme exceptionnel, qui l’a conduit à formuler la célèbre théorie de la relativité générale.
[…] En 1905 la théorie de la relativité restreinte découvre l’équivalence de tous les systèmes dits systèmes d’inertie pour formuler les lois. Donc se pose immédiatement la question : n’y aurait-il pas une équivalence plus étendue des systèmes de coordonnées ? Autrement dit, si l’on ne peut attribuer au concept de vitesse qu’un sens relatif, faut-il quand même considérer l’accélération comme un concept absolu ? […] […] La solution du dilemme dont je vous expose l’évolution est donc la suivante : la signification physique n’est pas attachée aux différentielles des coordonnées mais exclusivement à la métrique riemannienne qui leur est associée. Par là, une base pour la théorie de la relativité générale est découverte et s’impose. Mais il reste encore deux problèmes à résoudre :Quelques mots sur l’origine de la théorie de la relativité générale
1. Quand une loi du champ est exprimée en langage de la théorie de la relativité restreinte, comment peut-on la transférer pour une métrique de Riemann ?
Quelles sont les lois différentielles qui déterminent la métrique même (c’est-à-dire les gµν) de Riemann ?
J’ai travaillé sur ces questions de 1912 à 1914 avec mon ami et collaborateur Marcel Grossmann. Nous avons découvert que les méthodes mathématiques pour résoudre le problème 1 étaient déjà toutes trouvées dans le calcul différentiel infinitésimal de Ricci et de Levi-Civita.
2. Quant au problème 2, on avait absolument besoin pour le résoudre des formes différentielles invariantes du second ordre des gµν. Nous découvrîmes bientôt que celles-ci avaient déjà été analysées par Riemann (tenseur de courbure). Deux ans avant la publication de la théorie de la relativité générale, nous avions déjà souligné l’importance des équations correctes du champ de gravitation, sans arriver à en dégager l’utilité réelle en Physique. Je croyais savoir, au contraire, qu’elles ne peuvent pas correspondre à l’expérience. En plus je me persuadais et je pensais pouvoir le montrer, en me fondant sur une considération générale, qu’une loi de gravitation invariante relative à des transformations de coordonnées quelconques n’est pas compatible avec le principe de causalité. Ces erreurs de jugement durèrent deux années de travail singulièrement ardu. Je reconnus enfin que je m’étais trompé à la fin de 1915 et je découvris que je devais rattacher l’ensemble aux faits de l’expérience astronomique après avoir repris l’espace courbe de Riemann.
À la lumière de la connaissance déjà acquise, le résultat obtenu semble presque normal et tout étudiant intelligent le devine aisément. Ainsi la recherche procède par des moments distincts et durables, intuition, aveuglement, exaltation et fièvre. Elle aboutit un jour à cette joie, et connaît cette joie celui qui a vécu ces moments singuliers. […]
Source : Einstein (Albert), Comment je vois le monde, trad. par Regis Hanrion, Paris, Flammarion, 1979.
La théorie de Bose-Einstein
Entre 1915 et 1930, la physique est dominée par une nouvelle conception du caractère fondamental de la matière, la théorie quantique. Cette théorie utilise la notion de dualité onde-particule, déjà avancée par Einstein dans un article de 1917, exposant que la lumière présente les propriétés d’une particule mais aussi celles d’une onde. Elle se fonde en outre sur le principe d’incertitude, élaboré par le physicien allemand Heisenberg, stipulant qu’il est impossible de connaître en même temps certaines quantités physiques, par exemple la position et la vitesse d’une particule. La théorie quantique, qui remet en cause la notion de causalité en physique, ne sera jamais totalement acceptée par Einstein, qui refuse d’abandonner tout déterminisme : « Dieu ne joue pas aux dés avec le monde », affirme-t-il. Toutefois, il apporte sa contribution à cette théorie en étudiant le comportement des photons, faisant publier en 1924 un article du physicien indien Satyendranath Bose sur ce sujet.
Collaborant avec ce dernier, il élabore la théorie statistique de Bose-Einstein, qui permet de décrire le comportement quantique des particules de spin entier appelées bosons. Sur la base de cette théorie, Einstein prédit que dans un gaz d’atomes identiques et sans interactions mutuelles, refroidi à une température suffisamment basse, une fraction importante des atomes devrait s’accumuler dans le même état quantique d’énergie minimale (état fondamental). Ce phénomène, connu sous le nom de condensation de Bose-Einstein, est finalement observé en 1995 par Eric A. Cornell, Carl E. Wieman et Wolfgang Ketterle, qui obtiennent conjointement le prix Nobel de physique en 2001 pour leur confirmation de la prédiction d’Einstein et leurs études postérieures sur les propriétés des condensats de Bose-Einstein.
Après avoir été à l’origine de la théorie des quanta, Albert Einstein n’admettra jamais les développements de la mécanique quantique. Contrairement à la physique classique qui décrit les particules comme des points matériels dotés d’une masse, la mécanique quantique abandonne cette idée corpusculaire et décrit les particules comme des « ondes matérielles ». Il s’agit là d’une description purement mathématique qui a l’avantage de prédire correctement les comportements des objets microscopiques, mais ne prétend pas en donner une quelconque représentation au sens habituel qui nous est familier dans le monde macroscopique. La difficulté conceptuelle est d’autant plus grande que l’on ne précise pas le « milieu » sensé porter la vibration de l’onde matérielle. C’est un peu le même problème que celui qui s’était posé pour la lumière au XIXe siècle, où l’on recherchait un « éther », support de la vibration lumineuse.
Lorsque Heisenberg exposa sa relation d’inégalité qui découle de la théorie quantique, maladroitement appelée « principe d’incertitude » (ce n’est ni un principe mais une déduction du formalisme quantique, ni une incertitude qui suppose une imperfection de notre perception mais une propriété intrinsèque à la mécanique ondulatoire), stipulant l’impossibilité de déterminer simultanément la position et la vitesse des particules quantiques, celle-ci jeta un trouble profond dans la communauté scientifique et eut des répercussions jusqu’en philosophie, où la notion de déterminisme fut remise en cause. Einstein fut l’un des plus ardents opposants à la mécanique quantique et il formula ses objections dans un petit exposé, dont la quasi-totalité est reproduite dans l’extrait présenté ci-dessous, qu’il adressa à son ami Max Born, avec lequel il entretenait une abondante correspondance. Toutefois, les fondements de la mécanique quantique n’ont jusqu’à présent jamais été remis en cause. Au contraire, des expériences récentes extrêmement précises ont confirmé la vision de la mécanique quantique.
Correspondance 1916-1955 (Einstein — Born)
Mécanique quantique et réalité
Je me propose dans ce qui suit d’exposer brièvement les raisons pour lesquelles la méthode utilisée par la mécanique quantique ne me semble pas satisfaisante dans son principe. Je dois noter tout de suite qu’il n’est pas dans mon intention de nier que cette théorie constitue un progrès important, voire définitif en un certain sens, dans la connaissance du monde physique. J’imagine que cette théorie sera incluse un jour dans une autre, un peu comme l’optique géométrique est englobée dans l’optique ondulatoire : les relations demeureront, mais les bases seront approfondies ou remplacées par d’autres plus larges.
I
Imaginons une particule libre décrite à un instant t par une fonction Ψ (au sens de la mécanique quantique) limitée dans l’espace ; en vertu de cette description, la particule n’est pas localisée précisément et n’a pas de quantité de mouvement déterminée avec précision.
Dans quelle mesure puis-je considérer que cette description représente un fait individuel réel ? Deux points de vue me semblent possibles et concevables, que nous allons comparer :
a) La particule (libre) a réellement une position précise et une quantité de mouvement précise, même si elles ne peuvent être déterminées en même temps, pour le même cas individuel, par une mesure. Si on adopte cette conception, la fonction Ψ donne une description incomplète d’un phénomène réel.
Cette conception n’est pas celle qu’adoptent les physiciens. L’adopter signifierait pour eux s’efforcer d’établir, en plus des descriptions incomplètes, une description exhaustive du phénomène et chercher les lois correspondant à cette description. Ce serait faire éclater le cadre théorique de la mécanique quantique.
b) La particule n’a en réalité ni position déterminée ni quantité de mouvement déterminée ; la description qu’en donne la fonction Ψ est incomplète par son principe même. La position précise de la particule que j’établis par une mesure locale ne peut être interprétée comme la position qu’occupait la particule avant la mesure. La localisation précise qui intervient lors de la mesure n’est produite que par l’intervention inévitable (non négligeable) de la personne qui mesure. Le résultat de la mesure dépend non seulement de la situation réelle de la particule, mais aussi de la nature, incomplètement connue dans son principe, du mécanisme de la mesure. Il en est de même quand on mesure la quantité de mouvement ou toute autre grandeur observable concernant la particule. Telle est actuellement l’interprétation que préfèrent les physiciens ; et il faut avouer qu’elle seule rend compte de façon naturelle, dans le cadre de la mécanique quantique, de l’état de choses empirique exprimé par le principe d’Heisenberg.
Selon cette conception, deux fonctions Ψ différentes (pas seulement au sens banal) décrivent toujours deux situations réelles différentes (par exemple, la particule de position déterminée ou de quantité de mouvement déterminée).
Ce que je viens de dire vaut mutatis mutandis pour la description de systèmes constitués de plusieurs masses ponctuelles. Là encore, nous admettons (au sens de l’interprétation Ib) que la fonction Ψ décrit exhaustivement un phénomène réel et que deux fonctions Ψ (essentiellement) différentes décrivent deux phénomènes réels différents, même si elles peuvent conduire, quand on entreprend une mesure complète, à des résultats concordants ; la concordance des résultats de la mesure est, dans ce cas, attribuée en partie à l’action partiellement inconnue de la mesure.
II
Si l’on se demande ce qui est caractéristique du monde physique des idées, indépendamment de la théorie quantique, la première réponse est celle-ci : les concepts physiques se réfèrent à un monde extérieur réel, c’est-à-dire qu’on pose des idées de choses (corps, champs, etc.) qui revendiquent une « existence réelle » indépendante du sujet qui les perçoit, et ces idées sont mises en relation (la plus sûre possible) avec les impressions des sens. Une autre caractéristique de ces choses physiques est qu’elles sont envisagées comme intégrées à un continuum espace-temps. Il semble également caractéristique de cette intégration des choses étudiées par la physique qu’à un certain instant ces choses revendiquent une existence autonome, dans la mesure où ces choses « se trouvent en diverses régions de l’espace ». Sans cette hypothèse, provenant en premier lieu de la pensée quotidienne, d’une existence indépendante (un « être-ainsi ») des objets distincts dans l’espace, la pensée physique ne serait pas possible au sens où nous l’entendons. On ne voit pas davantage comment les lois physiques pourraient être formulées et vérifiées sans cette distinction nette. La théorie du champ a poussé ce principe à l’extrême en localisant dans les éléments de l’espace infiniment petits (en quatre dimensions) les objets élémentaires, existant indépendamment l’un de l’autre, qui en sont le fondement, ainsi que les lois élémentaires élaborées pour eux.
L’indépendance relative des objets (A et B) distincts dans l’espace se traduit par le principe suivant : une intervention extérieure sur A n’a pas d’effet immédiat sur B : il est connu sous le nom de « principe d’action de proche en proche » et n’est appliqué avec conséquence que dans la théorie ondulatoire. La suppression complète de ce principe rendrait caduque l’idée de l’existence de système (quasi) clos et impossible, au sens où nous l’entendons, l’élaboration de lois empiriquement vérifiables.
III
Or je prétends que la mécanique quantique, interprétée conformément au paragraphe Ib, n’est pas compatible avec le principe II. […] […] Il ne semble pas faire de doute que les physiciens qui tiennent la description donnée par la mécanique quantique pour définitive en son principe réagiront à ces considérations de la façon suivante ; ils laisseront tomber l’exigence II d’une existence autonome de la réalité physique présente en différentes portions de l’espace ; ils peuvent invoquer à bon droit le fait que la théorie quantique ne fait nulle part explicitement usage de cette exigence.
Dont acte, mais je note ceci : lorsque je considère les phénomènes physiques que je connais, y compris ceux que la mécanique quantique a étudiés avec tant de succès, je ne trouve nulle part de fait qui me fasse paraître vraisemblable que l’on veuille abandonner l’exigence II. Aussi suis-je enclin à croire que, en vertu de Ia, l’on doit considérer la description donnée par la mécanique quantique comme une description incomplète et indirecte de la réalité, destinée à être remplacée plus tard par une description exhaustive et directe.
On devrait à mon avis, quand on cherche une base unitaire à l’ensemble de la physique, se garder de toute façon de s’en tenir dogmatiquement au schéma de la théorie actuelle.
Source : Born (Max), Correspondance 1916-1955 (Einstein — Born), trad. par Pierre Leccia, Paris, Éditions du Seuil, 1972.
Albert Einstein et les années de gloires
Après 1919, Einstein jouit d’une renommée internationale. Il accumule les honneurs et les récompenses, recevant en particulier en 1921 le prix Nobel de physique pour son étude de l’effet photoélectrique, et non pour la théorie de la relativité qui demeure encore très controversée. Sa visite dans n’importe quelle partie du monde devient alors un événement, photographes et journalistes le suivant partout dans ses déplacements. Il tire profit de sa renommée pour défendre ses conceptions sociales et politiques, s’illustrant notamment par l’appui qu’il apporte au pacifisme et au sionisme.
Einstein, adversaire du nazisme
Pendant la Première Guerre mondiale, il fait partie du petit nombre d’universitaires allemands qui s’opposent publiquement au bellicisme de l’Allemagne. Après la guerre, son engagement en faveur des thèses pacifistes et sionistes en fait la cible privilégiée d’éléments antisémites et de l’extrême droite allemande. Même ses théories scientifiques font l’objet d’attaques publiques, et notamment la théorie de la relativité.
Lorsque Hitler arrive au pouvoir en 1933, Einstein doit quitter l’Allemagne, émigrant tout d’abord à Paris, puis en Belgique, avant de s’installer à Princeton (États-Unis), où il occupe un poste à l’Institute for Advanced Study.
Poursuivant ses efforts en faveur du sionisme, Einstein rompt avec le pacifisme devant la menace terrifiante que représente pour l’humanité le régime nazi.
En 1939, à la demande d’autres physiciens, Einstein accepte d’écrire une lettre au président américain Franklin Roosevelt, le prévenant du danger auquel le monde serait exposé si le gouvernement allemand s’engageait dans la voie de l’énergie nucléaire. Cette fameuse lettre est à l’origine du projet Manhattan, programme américain de recherches visant à la construction d’une bombe atomique. Einstein ne joue cependant aucun rôle dans ce projet, à la différence de certains de ses confrères comme Enrico Fermi ou Niels Bohr. En 1945, lorsqu’il comprend que ce programme va aboutir, il prend même l’initiative d’écrire une nouvelle fois à Roosevelt pour le prier de renoncer à l’arme atomique.
Einstein, scientifique engagé
En 1946, huit scientifiques de grand renom se réunirent pour fonder le Comité de vigilance des savants atomistes. Présidé par Albert Einstein (assis au premier plan entre Harold Urey et Selig Hecht), ce comité avait pour mission de contrôler l’énergie nucléaire de la planète, et d’en rechercher les applications pacifistes.
Après la guerre, Einstein plaide en faveur du désarmement international mondial, tout en continuant à soutenir activement la cause d’Israël. Son engagement en faveur de causes sociales et politiques est parfois qualifié d’irréaliste. En fait, ses propositions sont toujours soigneusement élaborées. À l’instar de ses théories scientifiques, elles sont motivées par une puissante intuition, fondée sur une évaluation perspicace et profonde de la preuve et de l’observation. Même si Einstein consacre une grande partie de son temps à la défense de causes politiques et sociales, la science occupe toujours la première place dans ses travaux. En effet, il affirme constamment que seule la découverte de la nature de l’Univers aurait une signification durable.
Quelques citations d’Albert Einstein
« Nous aurons le destin que nous aurons mérité. » (Comment je vois le monde)
« Celui qui ne peut plus éprouver ni étonnement ni surprise est pour ainsi dire mort ; ses yeux sont éteints. » (Comment je vois le monde)
« L’imagination est plus importante que le savoir. »(On Science)
Albert Einstein, sur la pensée de Gandhi
Discours prononcé par Albert Einstein : « La pensée de Gandhi fut parmi les plus éclairantes de notre temps, et nous devrions nous efforcer de faire les choses dans son esprit. Ne pas utiliser la violence dans la lutte que nous menons. Ne pas participer à ce qui nous semble diabolique. »
« I believe that Gandhi’s viewswere the most enlightened of all the political men in our time. We should strive to do things in his spirit : not to use violence in fighting for our cause, but by non-participation in anything you believe is evil. »
Albert Einstein, discours sur le devenir de l’arme nucléaire
Après la Seconde Guerre mondiale, Albert Einstein, qui n’a jamais caché ses convictions politiques et morales, prend position sur la question du désarmement mondial, considérant l’arme nucléaire comme un terrible danger pour l’humanité : « Vous savez tous que la mise au point de cet épouvantable moyen de destruction était rendue nécessaire par les périls liés à l’état de guerre. Mais on a ainsi généré un nouveau danger, dont l’ombre plane sur nous en permanence. Il est désormais impossible de se défendre efficacement. »
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