Contrée boréale, la Laponie est située à mi-chemin entre l’Europe et les archipels glacés de l’océan Arctique : Spitzberg, terre François-Joseph, archipels sibériens. Elle est partagée entre la Norvège, la Suède, la Finlande et la Russie.
Géographie de la Laponie
La Laponie prolonge, au nord, le socle du bouclier baltique (ou bouclier finno-scandien) et, au nord-ouest la chaîne scandinave. Lors des grandes glaciations quaternaires, le socle a été recouvert d’une calotte de glace, puis, à la fin du quaternaire, le sol, débarrassé du poids des glaces, s’est lentement surélevé – 1 m par siècle. Les roches précambriennes du bouclier, rabotées par les glaciers quaternaires, présentent néanmoins des reliefs accidentés à l’ouest, dans la chaîne des Scandes (1 324 m à l’Haltiatunturi, point culminant de Finlande) et, plus au sud., dans le Kjølen (2 117 m au Kebnekajse, sommet le plus haut de Suède).
L’érosion a surtout déterminé des moutonnements, des dépôts morainiques enchâssant des lacs, des cordons de sable (osers), tout le chaos de trous laissés par les culots de glace. Vers l’est, lacs (Inari, Loken) et marais couvrent de grandes zones pénéplanées (de 500 à 800 m) s’abaissant vers le golfe de Botnie et se relevant vers le nord et le nord-est (presqu’île de Kola). Les côtes présentent des fjords et des îles.
Le climat de Laponie est la résultante de la latitude très septentrionale, du voisinage de la grande plaine russe et, jouant en sens inverse, de la présence d’une branche du Gulf Stream qui vient se perdre dans la mer de Barents; très rigoureux en hiver aux longues nuits, il reste frais en été. Habitée par les Lapons, la région a une économie sylvicole (bois, papier) et minière: fer, à haute teneur (Kiruna, Malmberget, Gällivare en Suède, Kirkenes en Norvège, Porkonnen en Finlande); nickel (Nikel, en Russie); chromite (Kemi, en Finlande); cuivre (fondu à Petchenga, Russie), etc. La vie urbaine s’organise autour de Kiruna et Gällivare (en Suède), Petchenga (en Russie), Inari et Rovaniemi (en Finlande), Karasjok et Kirkenes (en Norvège).
Histoire de la Laponie
Le peuple lapon se qualifie lui-même de Same (Saami). Nul ne sait d’où viennent les Sames. D’au-delà de l’Oural ? Peut-être, mais ce n’est pas certain. Ils sont mentionnés pour la première fois dans l’histoire, un siècle après Jésus-Christ, par Tacite, qui les appelle les Fenni. Finne ou Finn, comme disent les Norvégiens est donc une vieille appellation des Sames. Ils appartiennent à la culture arctique, mais, contrairement aux autres peuples arctiques, ils sont entrés en contact, très tôt, avec les peuples plus méridionaux, et les brassages ont été plus marqués. Éparpillés aux confins les plus hostiles de l’Europe, passant, au gré de l’errance de leurs rennes, d’un territoire à l’autre, ils ne sont jamais parvenus à constituer leur propre État.
Quoi qu’il en soit, les relevés archéologiques ont mis au jour dans la région des vestiges d’établissements humains indiquant la présence d’une culture qui s’adonnait à la chasse et à la pêche entre 3500 et 2000 av. J.-C. et qui a, vers 2000 av. J.-C., mis au point des systèmes de fosses de piégeage. Ce n’est pas avant le XVIIe siècle que sont apparues la domestication du renne à grande échelle et la vie nomade fondée sur l’élevage de rennes domestiques.
Le territoire des Lapons, rattaché dans la première moitié du XVIe siècle à la couronne suédoise par Gustave Vasa, fut, à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle, partagé entre la Suède, la Russie et le Danemark. Les frontières actuelles ont été fixées aux XVIIIe et XIXe siècles. Occupées par les Allemands de 1940 à 1945, les Laponies norvégiennes et finlandaises furent dévastées lors des combats de 1944 et 1945.
La Laponie suédoise
L’aire de la Laponie suédoise, site naturel inscrit dans la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco, se trouve à l’intérieur du cercle arctique et de deux provinces biogéographiques: les forêts de bouleaux subarctiques et la taïga d’Eurasie occidentale qui englobe un vaste écosystème de forêts boréales. L’ensemble constitue une zone naturelle de 843 000 ha et comprend notamment le grand plateau lacustre de Padjelanta, la réserve de Sjaunja, les parcs nationaux de Stora Sjofallet, Sarek et Muddus.
La région rassemble deux types de paysage: à l’ouest, une zone de basse altitude, d’origine géologique archéenne, et à l’est, un paysage de montagne couvrant les deux tiers de la zone, formé plus récemment et comprenant une partie des Scandes suédois et norvégien. Les associations actuelles de flore et de faune prouvent qu’il y a eu colonisation après le dernier recul des glaciers, il y a environ 9 000 ans. La plaine contient des collines isolées à sommet plat et couvertes d’une végétation de type taïga avec de vastes étendues ouvertes. Les forêts anciennes de pins et de sapins couvrent environ 1 000 km² tandis que 1 000 autres kilomètres carrés sont occupés par divers types de marécages qui constituent le plus vaste complexe de tourbières intactes d’Europe occidentale.
Plus de 100 sommets dépassent 1 800 m, et environ 100 glaciers ont été recensés. On trouve des bouleaux, une lande naine et des prairies alpines (c’est l’une des régions les plus riches de Suède pour la flore) au-dessus des éboulis, des champs de neiges éternelles et des glaciers. Plus de 150 espèces d’oiseaux ont été répertoriées, comme le grand tétras, le cygne chanteur, l’oie des moissons, la bécassine sourde, l’aigle royal, le gerfaut.
Une bande étroite divise l’aire: elle date d’une décision de 1919, prise par le Parlement suédois, afin d’exclure une rivière et un système lacustre du parc national de Stora Sjofallet en vue de la mise en valeur hydroélectrique et de la création du lac artificiel de Stora Lule. Ce réseau hydroélectrique ne devrait pas être agrandi et n’est pas considéré comme une menace à l’intégrité de la région.
L’intégrité du site n’est pas non plus menacée par le tourisme. Une route construite pour les installations hydroélectriques amène environ 70 000 visiteurs par an, essentiellement à la région de Stora Sjofallet. Les visiteurs dans les autres parcs nationaux sont peu nombreux de: 1 500 à 2 000 par an dans la zone naturelle de Sarek; 4 000 à Padjelanta, qui viennent parcourir un long chemin de randonnée; 2 000 à Muddus, qui sont intéressés par l’observation en forêt. Le site du principal complexe d’accueil à Staloluokta est le seul endroit dans toute la zone désignée où l’on peut poser de petits aéronefs. On constate au maximum huit atterrissages d’hélicoptères ou d’hydravions par jour durant les deux mois d’été.
L’élevage du renne en Laponie
Bien qu’il n’y ait aucune population permanente, le site est occupé par 250 Lapons qui élèvent près de 35 000 rennes.
Comme dans toute civilisation pastorale, la coopération entre éleveurs est une obligation: chez les Sames, elle s’exerce dans le cadre de la sii’da, qui représente le plus haut niveau d’organisation chez les nomades du Nord: plusieurs familles qui se déplacent en groupe, gardent ensemble les rennes et gèrent en commun la production. À la tête de la sii’da est placée une autorité reconnue, admise par tous. La composition d’une sii’da varie d’une saison à l’autre. En Suède, l’unité administrative officielle est le sameby, qui peut regrouper jusqu’à dix sii’da, et plusieurs sameby peuvent être rassemblés à l’intérieur d’une seule commune.
Les rennes sont un élément historique de la diversité biologique de la Laponie suédoise et ne sont pas, en eux-mêmes, un facteur négatif si l’on considère la préservation écologique de la région. Il y a peu de temps encore, les familles sames autochtones se déplaçaient, selon les saisons, en établissements éparpillés et avaient probablement une influence importante sur des régions localisées en raison de leur nombre et de la durée de leur séjour. On peut comparer ce mode de vie à la situation actuelle, où les établissements sont occupés très brièvement et souvent par une partie seulement de l’unité familiale. Ce changement est induit par les progrès des transports et le confort offert par les villes voisines, qui se trouvent à l’extérieur des aires protégées.
C’est surtout l’irruption de la technologie dans l’activité d’élevage (par exemple, l’utilisation d’hélicoptères et de motocyclettes pour rassembler les troupeaux et les déplacer entre les pâturages) ainsi que l’emploi de clôtures pour séparer les troupeaux des communautés voisines qui posent un problème pour l’intégrité du site.
Aujourd’hui, les rennes de plusieurs familles sont regroupés, en été, en grands troupeaux et laissés sans surveillance. L’apparition du scooter des neiges entraîne la disparition des campements situés près des troupeaux et celle du regroupement des familles d’éleveurs dans les villages d’hiver, dans les forêts à basse altitude.
Par ailleurs, des dommages sur des distances beaucoup plus grandes seraient dus à l’utilisation des motoneiges et des motocyclettes, sources de nuisances sonores et qui donnent à leurs conducteurs la possibilité de chasser des animaux. Un membre du Conseil des Sames a confirmé que les Lapons n’abandonneraient pas le «mode de vie Yamaha» et ne retourneraient pas à l’élevage traditionnel du renne. En revanche, les Sames ont reconnu qu’ils doivent trouver les moyens d’atténuer l’impact de l’élevage du renne sur la région.
La faune
Les chercheurs qui s’intéressent aux grands mammifères prédateurs de Laponie indiquent que toutes les populations semblent en bonne santé, à l’exception du glouton, que l’on trouve en très petit nombre. Les prédateurs s’attaquent aux rennes femelles, et 12 % de la mortalité des petits sont dus principalement aux gloutons. Un programme d’indemnisation a été établi: au début, il était fondé sur les pertes d’animaux, mais, depuis 1996, il repose sur un inventaire des prédateurs. On pense encourager ainsi les éleveurs à ne pas chasser les gloutons.
L’ours brun a été beaucoup étudié depuis 1984, date à laquelle un collier a été fixé pour la première fois au cou d’un ours; en 1997, il y avait 38 ours portant des émetteurs en Laponie suédoise. Les Lapons ont le droit de prélever des ours ailleurs que dans les zones centrales des réserves, à l’exclusion des parcs nationaux. On estime qu’une centaine d’ours, y compris des ours errants occupent la région désignée.
Autrefois, on trouvait le pygargue à queue blanche dans toute la Suède, mais l’espèce est aujourd’hui réduite à deux populations, dont l’une se trouve en Laponie, et la recherche démontre que c’est la seule population en bonne santé. Avec près de 100 couples, elle est considérée comme stable.
«Le Lapon est de la même nature que son renne», disait, au début du siècle, l’écrivain Johan Turi (Récits sur les Lapons, Récits de la montagne, 1910). C’est un peuple qui se fond dans l’immensité des terres, au mouvement ondulant de la toundra grise et blanche des fleurs de coton polaire, où le brouillard s’effiloche aux branchages de taillis, et qui transporte avec lui ses chants mêlés de poèmes, le jojk, «ombre sonore de l’homme».
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