Le nom de Méditerranée tire son origine du latin medius, « qui est au milieu », et terra, « terre ». Depuis le monde antique, les civilisations méditerranéennes, pétries d’influences orientales et creuset historique des trois grandes religions monothéistes, procèdent d’abord de la maîtrise des mers, du contrôle de la navigation et, bien sûr, du commerce.
Les enjeux de la Méditerranée
L’esprit de conquête qui anime les guerriers et les marchands est rarement dissociable d’une lutte pour le triomphe de la foi. Aussi, des conquêtes musulmanes à la création de l’État d’Israël, en passant par les croisades, c’est souvent la guerre, la douleur et l’intolérance qui a balisé l’histoire des peuples de la Méditerranée, mer qui s’étend du Maroc à l’Espagne en passant par Israël, le Liban et la frange méridionale de la France, bordée aujourd’hui par vingt et un pays.
Les formations végétales
La végétation est adaptée à cette zone de transition entre régions tempérées et déserts chauds. Les pays méditerranéens étant fortement humanisés, les formations dégradées ont presque partout remplacé la végétation naturelle. Les paysages de Méditerranée n’en restent pas moins variés, et, sur une courte distance, l’on passe de la sèche garrigue à une forêt fraîche et ombragée de pins ou de hêtres. Cette diversité est liée à la juxtaposition de plaines littorales et de massifs montagneux plus arrosés, où se maintiennent de très belles forêts d’espèces naturelles ou introduites: pin d’Alep, pin parasol, cèdres de l’Atlas et du Liban. Sur l’ensemble du pourtour méditerranéen croissent également des eucalyptus, des châtaigniers, des mimosas et de magnifiques lauriers.
L’érosion des sols, les violentes averses qui entraînent graines et plantules sur de fortes pentes entravent la germination et le renouvellement de la forêt. Les incendies, les coupes de bois, le surpâturage et les défrichements agricoles sont autant d’agents de dégradation du milieu qui laissent la place à des formations herbacées et buissonnantes essentiellement xérophiles (adaptées à la sécheresse). La garrigue sur sol calcaire et le maquis sur sol siliceux en sont les meilleurs exemples.
On trouve dans la garrigue une végétation basse et clairsemée: les labiées odorantes comme le romarin, le thym, la lavande, puis les genévriers, les cistes et les chênes kermès. Le maquis est, lui, davantage fourni et se développe bien plus haut que la garrigue: lentisques, buis, arbousiers, bruyères arborescentes et ajoncs le composent. Parmi les plantes cultivées, les plus anciennes sont la vigne, le blé et l’olivier, trilogie méditerranéenne par excellence, ainsi que les généreux amandiers, orangers, citronniers, mûriers, palmiers et figuiers.
Le paysage façonné
Les paysages de la Méditerranée n’ont pas toujours offert les aspects que nous leur connaissons. Le cyprès ou le citronnier provoqueraient la curiosité des premiers habitants de la partie occidentale. Le cyprès est, en effet, iranien, alors que le citronnier est arabe. En raison de son caractère ornemental, le premier fut importé par les paysagistes d’Alexandre au IVe siècle av. J.-C. Le second n’est apparu que bien plus tard, au VIIe siècle, avec l’expansion arabe en Méditerranée. Il n’était pas seul: le mandarinier et l’oranger l’accompagnaient.
Plus récentes sont les cactées. Elles proviennent du Nouveau Monde, comme les agaves, les aloès et les figuiers de Barbarie. Parmi les nouveaux venus sur la Riviera et la Côte d’Azur, il faut également citer le majestueux eucalyptus. Son nom est grec, mais sa terre d’origine est australienne. En fait, il n’y a de plantes indigènes que l’olivier, le figuier, le blé et la vigne, des espèces dûment sélectionnées et entretenues par les hommes.
Faune et Hydrologie de Méditerranée
Les températures et la salinité limitent le développement de la faune marine. Les espèces dites sténothermes (qui réclament des eaux chaudes toute l’année) ne survivent pas en hiver; ne subsistent que les espèces eurythermes, qui supportent les variations saisonnières. Mais, d’une manière générale, les espèces de l’Atlantique tropical ont trop froid en surface, et celles de l’Atlantique tempéré bien trop chaud, surtout en été. Pourtant, environ 60 % des espèces de la Méditerranée viennent de l’Atlantique Nord: simplement, le seuil de Gibraltar se situant à – 250 m, il ne laisse pas passer les eaux froides et profondes de l’Atlantique, très riches en faune.
L’étroitesse des plates-formes continentales prive la mer Méditerranée de ces provinces néritiques où se développe la vie. Dans ces zones de faible profondeur, la lumière pénètre, le vent brasse l’eau, apporte l’oxygène de l’air tandis que les sels nutritifs provenant des continents servent de nutriments aux planctons végétaux. Cependant, et bien que la faune endémique soit limitée, les espèces vivant en mer Méditerranée sont d’origines variées. Plus de 8 000 espèces coexistent, dont 20 % d’algues, 20 % de crustacés, 20 % de mollusques et 7 % de poissons.
Hydrologie marine
La mer Méditerranée reçoit les apports fluviaux de l’Èbre en Espagne, du Rhône en France, du Pô en Italie, du Nil en Égypte, pour ne citer que les plus connus et les plus importants. S’étendant sur 2,5 millions de kilomètres carrés, elle communique directement avec l’océan Atlantique par le détroit de Gibraltar. Son bilan hydrologique reste stable grâce aux apports de l’Océan et de la mer Noire. Pourtant, si l’on s’en tenait au ratio entre les apports (eaux fluviales et précipitations) et l’évaporation, la Méditerranée tendrait, sur le long terme, à s’assécher.
Le taux de salinité s’accroît vers le levant. Il se situe entre 36 et 39, alors que les océans ont une salinité moyenne de 34,7.
La température de l’eau varie selon le même gradient ouest-est. L’été, les eaux de surface s’échelonnent entre 21 et 29 °C, et l’hiver entre 10 et 15 °C en moyenne. La caractéristique de l’eau méditerranéenne tient à sa tiédeur en profondeur: à partir de 200 à 300 m, la température se stabilise à 13 °C (à profondeur égale, l’eau de l’Atlantique est à 3 ou 4 °C).
La culture de la mer
La pêche est essentielle pour les pays riverains qui ne possèdent pas de façade atlantique. Elle ne constitue néanmoins pas l’essentiel des ressources économiques pour les pays côtiers. Issue de traditions ancestrales, elle reste relativement artisanale, peu adaptée aux techniques modernes et soumise à des aléas écologiques qui jouent dans le sens d’une raréfaction de la ressource. Si l’on ajoute à cela la forte concurrence des ports de l’Atlantique ou de l’Asie dans le secteur du transport maritime, le tableau de l’actuelle Méditerranée marchande est plutôt inquiétant.
Que devient la forte culture maritime des Méditerranéens d’aujourd’hui? Elle semble trouver peu de débouchés en dehors d’un tourisme écologiquement destructeur et d’une pratique du «conflit localisé» transformant la région en un simple atout stratégique que se disputent des peuples plus puissants.
La Méditerranée au néolithique
Avant de voir s’épanouir sur ses rivages les civilisations de l’Antiquité classique grecque puis romaine et de devenir un grand carrefour culturel et commercial reliant l’Asie et l’Afrique à l’Europe, la Méditerranée fut durant plusieurs millénaires un désert. À l’époque du néolithique ancien, certains hommes, poussés par la nécessité de trouver des terres, l’ont défiée avec des pirogues monoxyles et des radeaux. Le succès de ces expéditions est à l’origine des premières implantations humaines dans les îles éloignées.
Il n’a pas aboli pour autant l’obstacle de la mer. Aussi ceux qui ont encouru de tels risques seront-ils tenus à l’écart des progrès technologiques de groupes contemporains. En raison de l’éloignement et de l’absence de vrais moyens de navigation, la culture néolithique méditerranéenne va connaître, de part et d’autre des deux grands bassins, à l’est et à l’ouest, des rythmes de développement très inégaux.
Les premiers peuplements
C’est à la fin du VIIe millénaire av. J.-C. que les premiers Égéens se sont sédentarisés sur les côtes et dans les plaines maritimes du bassin oriental de la Méditerranée. Comme on l’a observé en Anatolie, sur le site néolithique ancien de Çatal Hüyük, ils vivent groupés en villages, dans des habitations permanentes, et ils produisent des céréales et élèvent des animaux. Leur migration s’est le plus souvent effectuée par mer. Les traces les plus lointaines de ces implantations se trouvent sur la façade égéenne de la Grèce, en Thessalie, en particulier à Sesklo et à Dimini, où d’importants vestiges révèlent l’éclosion et l’originalité de la première civilisation néolithique d’Europe.
Au début du VIe millénaire, les îles du grand large encore inhabitées Chypre, la Crète, Malte, la Corse et les Baléares voient débarquer leurs premiers occupants. Si la néolithisation de la Méditerranée est amorcée, elle progressera néanmoins lentement d’est en ouest et atteindra les confins du bassin occidental à la fin du VIe millénaire avant notre ère.
Chronologie (vers – 6000): Débuts du Néolithique en Europe
L’élevage et la naissance de l’agriculture
Au néolithique, les paysages de la Méditerranée subissent leurs premières transformations. Les plaines boisées sont défrichées et converties en terres céréalières. Les variétés de blé et d’orge récoltées aux abords des sites les plus anciens de Thessalie proviennent d’espèces exotiques originaires d’Asie. L’engrain et l’amidonnier sont des blés dérivés de céréales qui poussent spontanément sur les plateaux d’Anatolie et du Croissant fertile, entre le nord de la Syrie et la Mésopotamie. Les variétés de blé tendre sélectionnées à partir d’une hybridation de l’engrain et de l’amidonnier, de meilleure valeur nutritive, ont été importées du Proche-Orient. Il en est de même pour les variétés d’orge découvertes sur les sites grecs: elles dérivent d’espèces spontanées appartenant à une aire qui s’étend de la Cyrénaïque à l’Iran.
L’acclimatation de ces variétés céréalières par les Égéens marque l’apparition de l’agriculture en Europe. Ces hybrides s’étendront au cours du VIe millénaire en suivant deux grandes voies aujourd’hui jalonnées par un type spécifique de tessons de poterie: au sud la voie maritime de la céramique cardiale; au nord la voie danubienne, beaucoup plus lente, de la céramique rubanée, des Balkans aux grandes plaines du Nord.
La domestication des animaux est une autre caractéristique de la néolithisation. Les origines géographiques des souches qui ont donné naissance au cheptel néolithique sont très diverses: l’Iran pour le mouton, la Grèce pour la chèvre et le bœuf. Le porc est le seul animal dont la domestication fut réalisée à partir d’espèces locales de sangliers, aux VIIe et VIe millénaires.
Les premiers agriculteurs de Thessalie ont encore sélectionné des légumineuses indigènes à haute valeur nutritive, comme les lentilles et les pois, et ont pratiqué l’arboriculture sur leurs coteaux. Les premières oliveraies prennent souche en Grèce dès cette époque reculée, à côté de vergers produisant des poires, des amandes et des figues. Cela est resté, à peu de chose près, la base alimentaire des populations méditerranéennes jusqu’à nos jours. Il n’y manque que le raisin, que les Anatoliens cultiveront plus tard, vers 3600 av. J.-C., et devenu l’un des produits types du Bassin.
L’ancienneté des échanges
La sédentarité est un facteur favorable à l’établissement de relations et d’échanges entre les groupes humains. On a souligné l’importance, au néolithique le plus reculé, des échanges pour la diffusion de la céramique, des céréales et du mouton domestique. En l’absence de bêtes de somme et de véritables embarcations, le volume des échanges est nécessairement faible. Il ne fait toutefois aucun doute que les paysans de la mer Égée savent à l’occasion prendre la mer et gagner la côte d’Anatolie par Skýros et Halonèse.
À bord de quel type d’embarcation faisaient-ils cette traversée? Selon quelle fréquence? On l’ignore. La navigation en mer n’était pourtant pas un fait récent: l’archéologie montre que, au XIIIe millénaire, les habitants du site de Franchti, dans le Péloponnèse, réalisaient leurs outils à partir de noyaux d’obsidienne éclatés provenant de l’île de Mélos, dans les Cyclades.
Deux produits semblent avoir suscité un commerce en mer Égée, le spondyle et l’obsidienne. Le premier est un coquillage très répandu sur les plages grecques; il a été l’objet de transactions depuis la Thrace jusqu’au cœur de l’Europe néolithique comme élément de parure et de collier. Le second est une pierre volcanique qu’on fait éclater pour obtenir des microlithes, des lames de couteau et des pointes de flèche. Or en Méditerranée tous les gisements recensés sont situés sur des îles: celui de Mélos est fréquenté par les Égéens du Nord et les Crétois; ceux de Lipari, de Sardaigne, de Pantelleria et de Palmorella accueillent Maltais, Toscans, Languedociens, Tunisiens et autres peuples de l’Occident, ou des navigateurs plus chevronnés au service de ces populations.
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