La plus belle des orchidées sauvages pousse à Tahaa (ou Taha’a) ! Sur cette île de polynésie qui exhale le long de ses chemins de soupe de corail des effluves de vanille, des lieux oubliés prennent une importance insoupçonnée.
Taha’a ou la fleur de vanille
Ceux qui aiment goûter l’essence même des choses n’ont qu’à se laisser porter sur Tahaa, une des dernières îles de la Polynésie française à avoir conservé une authenticité remarquable et un côté suranné qui nous rappellerait le « Tahiti d’antan ». On ne peut que rester très humble devant la vision flamboyante d’un coucher de soleil sur Bora Bora, la Perle du Pacifique, qui, avec Huahine, entourent les deux soeurs Tahaa et Raiatea, qui partagent un même lagon.
Et on ne peut que demeurer admiratifs devant la beauté de la plus belle fleur du Pacifique, l’orchidée de vanille, qui est devenue à travers son exploitation la « Perle Noire de Tahaa » et qui a donné à cette île son surnom bien mérité « d’île vanille ».
La fleur de vanille éclot vers le mois de juillet dans les vanillières de Tahaa et sa robe blanche et jaune aux contours délicats est un enchantement de douceur comme aux premiers matins du monde. L’Amiral Hamblin qui à bord de la frégate « La Virginie » importa pour la première fois en Polynésie française une liane de vanille de Manille ne pouvait soupçonner que son geste allait marquer tout le développement économique de l’île de Tahaa.
Vers 1850, les premiers plants de vanille poussent dans le Jardin du Gouverneur de Papeete. Mais Vanilla tahitensis n’avait pas encore vu le jour. Cela n’allait tarder. La même année, l’amiral Bonnard accoste à Papeete avec à son bord une autre variété de vanille, Vanilla fragrans qu’il ramène du Jardin des Plantes de Paris. Croisée avec Vanilla pompona, Vanilla tahitensis voyait enfin le jour et la renommée de son parfum, de sa richesse en huile et de sa brillance n’allait pas tarder à faire le tour du monde.
Le mariage de la fleur
Découvrir une variété de vanille est une chose, en extraire son fruit, une généreuse gousse de vanille, en est une autre. Les Polynésiens profitèrent de l’ingénieuse découverte d’un esclave de la Réunion, Edmond Albius. Ce dernier parvint en 1820 à mettre au point un moyen efficace pour féconder la fleur de vanille, et ce d’un geste simple de la main. Cette technique appelée « mariage » assura les beaux jours de Vanilla tahitensis, car en l’absence de l’abeille Mellipone à Tahaa, seule une intervention humaine allait pouvoir provoquer l’alchimie magique qui donnerait de la vanille.
Vanille Vanille Vanille – Patience et attention !
Pour cette opération délicate, les hommes observent à la période de floraison, au mois de juillet, chaque liane de vanille. Ils attendent la naissance de l’orchidée qui s’offrira à eux seulement quelques heures au cours desquelles en pressant la partie supérieure de la fleur, ils mettront en contact le pollen avec le stigmate pour permettre la fécondation. Neuf mois plus tard, les fruits apparaîtront sous la forme de généreuses gousses de vanille disposées en balai.
Culture de la Vanille
Dès que la découverte d’Edmond parvint aux antipodes, dans l’autre hémisphère, Tahaa prit des allures toutes nouvelles. Le long de la route qui sillonne son contour sinueux, et dans les vallées verdoyantes du centre de l’île, des vanillières virent le jour. Les Polynésiens avaient enfin découvert leur or d’une brillance remarquable et au parfum incomparable. La ruée vers la vanille bâtit son plein et les travailleurs accordèrent beaucoup de soins et d’attention à leurs exploitations : il est vrai que produire de la vanille requiert de la patience.
En effet, avant qu’une liane de vanille ne donne ses premières fleurs, il faut attendre deux ans. Et une fois l’orchidée fécondée, la gousse n’apparaît que 9 mois après. À ce stade, l’aventure commence à peine, car les gousses cueillies dès qu’elles prennent une douce couleur brunâtre, sont mises à sécher durant trois mois sur des claies de bois ou de bambou en plein soleil. C’est à cette étape seulement que le fruit va dégager son parfum subtil. Car les orchidées n’ont pas d’odeur et les parfums qui se dégagent des vanillières proviennent uniquement du fruit.
Dès le cinquième jour de séchage, le préparateur prend les gousses encore chaudes de soleil dans sa main et une à une, il les presse entre le pouce et l’index pour les faire « suer ». Par ce geste, il répartit l’huile dans toute la longueur de la tige. Massées une par une, les gousses vont « transpirer » avant de venir embaumer nos confiseries et pâtisseries. Elles sont ensuite mesurées avant calibrage puis présentées dans des petits sacs.
Longues, noires, épaisses et luisantes, elles feront la joie des confiseurs et pâtissiers qui vont se la disputer car la vanille de Tahaa est réputée pour son parfum remarquable et jamais inégalé ailleurs dans le monde. Ils la glisseront subtilement dans leurs préparations et les arômes inédits de la « Perle Noire de Tahaa » viendront enivrer les sens des plus fins gourmands de la place.
Maintenant que vous connaissez l’histoire de la plus belle orchidée du Pacifique, vous regarderez avec respect et humilité l’île de Tahaa dont la générosité n’a pas de limites puisqu’elle nous offre sur un plateau sa plus belle et exquise richesse : la gousse de vanille.