Placée au coeur des relations du Polynésien et de son environnement immédiat, la pirogue a toujours constitué, jusqu’à un passé très récent, le premier moyen de migration, de communication, de luttes et d’échanges. Mais, si la pirogue fut le moyen de transport physique des hommes, ainsi que des plantes et des animaux nécessaires à leur survie, elle véhicula également leur organisation sociale, politique et religieuse à travers le pacifique.
Va’a ou la pirogue polynésienne
Va’a désigne l’embarcation (la pirogue) mais aussi les hommes d’un même groupe, leur espace territorial, appelé va’a mata’eina’a aux îles de la Société, et surtout leur appartenance à une lignée. D’ailleurs, le nom de la lignée est le même que celui de la pirogue par laquelle ils sont arrivés, nom qui était également celui de la terre originelle de ces groupes.
Forme d’embarcation unique, la pirogue repose toujours sur la même conception d’architecture navale :
Une coque étroite couplée à un flotteur par un système plus ou moins souple.
Que cette coque soit reliée à un flotteur, ou à une autre coque, ou encore que deux flotteurs supportent une plate-forme réservée aux marins, le principe reste le même, celui que les Occidentaux reprendront plusieurs millénaires plus tard, et qu’ils nommeront catamaran ou encore multicoque. De nos jours, même si les conditions de vie des Polynésiens ont largement évolué, la pirogue taillée dans un tronc ou en contreplaqué, propulsée à la pagaie ou par un moteur, utilisée pour pêcher ou comme moyen de transport, reste l’embarcation polynésienne par excellence et ne cesse d’évoluer avec son temps tout en restant profondément ancrée dans la tradition.
Symbole de la culture polynésienne et de cette capacité à évoluer, les pirogues de course en fibre de verre ou plus récemment en carbone sont chaque année plus nombreuses à s’élancer au départ des compétitions qui rythment la vie des Polynésiens.
Au fil du temps, la pratique de la pirogue est aussi devenue un moyen de se mesurer sportivement. Depuis les 30 dernières années, les courses de pirogues polynésiennes sont organisées en événements sportifs internationaux, mais leur origine est très ancienne. Les premiers Européens ont pu assister à d’importantes revues navales durant lesquelles de grandes pirogues richement décorées évoluaient dans le lagon. Par la suite, les autorités françaises organisèrent de nombreuses fêtes patriotiques ou commémoratives avec des épreuves de course à la voile, de pirogue double et de pirogue à trois rameurs.
Au début des années 1950, les catégories se sont considérablement diversifiées: simples ou doubles et armées par un, trois, six, quatorze et seize rameurs ou rameuses. Les pirogues sont alors taillées spécialement pour la course. L’ère de la course de va’a contemporaine naissait. Les équipes de Tahiti, comme « Maire Nui », vont brillamment s’illustrer dans les compétitions. Aujourd’hui, la pirogue de sport bénéficie des progrès technologiques avec des coques en résine polyester et en carbone ultraléger. C’est la course qui, de nos jours, prime dans le monde de la pirogue.
Histoire de la pirogue en polynésie
Nommée généralement va’a, waka ou encore vaka, la pirogue dite « à balancier » est présente dans toutes les aires de souches culturelles et linguistiques d’origine austronésienne. Quand les premiers Européens arrivèrent sur l’île de Tahiti au XVIIIe siècle, ils furent impressionnés par le nombre, les performances nautiques et la qualité de construction de ces pirogues. D’importantes fouilles archéologiques menées à partir des années 1970, ont permis de mettre au jour des fragments de bordés de pirogues. Sur l’île de Huahine, dans l’archipel de la Société, ce sont des vestiges datés entre 850 et 1450 qui ont été miraculeusement retrouvés dans les sols chauds et humides tropicaux. Et à Ana’a dans l’archipel des Tuamotu, des bordés ainsi qu’une proue ou poupe de grande pirogue double ont été découverts.
La variété des modèles connus comme par exemple la pirogue sacrée Taputapuatea, les pirogues originaires de Ra’ivavae, de Tahiti, de Niue ou bien encore des îles Salomon, met en exergue la richesse de construction de pirogues au fil du temps.
La navigation ancestrale.
Il y a 5 000 à 6 000 ans, les peuples qui ont quitté l’Asie du Sud-Est, ont sans doute participé à la plus grande aventure de navigation de l’histoire de l’humanité. Avant eux, personne n’avait couvert d’aussi longues distances sur des embarcations uniquement conçues en matière végétale et sans instrument de navigation. Et personne ne le refera. Ils doivent leur incroyable réussite à leur mémoire ancestrale, à l’observation de leurs pratiques et à l’interprétation de leur environnement naturel: les étoiles, les vents, la houle…
Le pétroglyphe représentant une rose des vents et une pirogue, retrouvé à Tahiti, témoigne du lien intrinsèque qui existe entre la connaissance des vents et la navigation. Ces peuples parlant des langues austronésiennes vont utiliser la grande pirogue à balancier ou à double coque pour instaurer un réseau complexe d’échanges à travers les îles du Pacifique. Les groupes Austronésiens atteignirent vers 1300 av J. C., le Vanuatu, la Nouvelle-Calédonie et les îles Fiji et enfin vers 1150 av J. C. les îles Tonga et Samoa. Près de mille ans plus tard, des peuples issus de ces souches seront à l’origine de la culture polynésienne et de techniques de construction navale et de navigation encore plus performantes, paramètres indispensables à l’entreprise de la colonisation des îles de la partie Est du Pacifique, souvent séparées par des distances bien supérieures à celles de la zone mélanésienne.
L’initiation aux techniques de navigation prenait comme support d’apprentissage des jeux pratiqués sur l’eau ou dans les airs. Maîtriser les espaces aériens, c’était connaître les vents, leurs directions, leurs forces, leurs dangers. La fabrication et la manipulation des jouets relevaient d’un savoir ancestral qui était transmis, uniquement aux jeunes chefs, dès le plus jeune âge. Les jeux les plus notoires sont le titira’ina, le ‘aumoa, le ‘uo, le to’oie et le pahi.
La construction de pirogue
Issue d’un travail communautaire, la pirogue était le fruit d’un long processus de construction. Avant l’arrivée des Européens, le métal n’existait pas en Polynésie. Les outils utilisés étaient alors en bois, en pierre, en coquillage. L’herminette était l’outil indispensable à la coupe des arbres et à l’évidement des troncs. Les planches de bordé, « cousues » à la coque par un système de liens fabriqués en bourre de coco, étaient préalablement percées grâce à un perçoir à volant. Au moyen de petites herminettes, les charpentiers effectuaient les finitions, notamment la sculpture des pièces de proue et de poupe. Puis ils ajustaient le balancier ou la seconde coque par un jeu de traverses et de ligatures. Les femmes, quant à elles, tressaient puis cousaient des nattes pour confectionner les voiles.
La construction des grandes pirogues, ou des pirogues sacrées, était réservée à des maîtres en charpenterie de marine, les tahu’a va’a. Jouissant d’un grand prestige social, ils recevaient un long apprentissage. La construction de ces pirogues était entourée de nombreux cérémoniels et rites. Une cérémonie concluait la réalisation d’une pirogue de chef : ornée d’étoffes, de plumes rouges et noires, et de fines nattes, elle recevait un nom sur le marae. Pendant le lancement, un tahu’a hi’ohi’o lisait les présages. Il immergeait les deux moitiés d’une noix de coco, la partie convexe vers le bas. Si elles descendaient sans se retourner, une ère de prospérité et de paix s’annonçait; sinon, la guerre était imminente.
Les accessoires de la pirogue.
Afin de manoeuvrer la pirogue, un certain nombre d’accessoires est nécessaire comme les pagaies ou les pagaies-gouvernails. Ancres et écopes sont également indispensables. La richesse et la qualité des pagaies et des pagaies-gouvernails illustrent la qualité du travail du bois en Polynésie, et particulièrement la pagaie cérémonielle de Ra’ivavae dans l’archipel des Australes. Chaque aire géographique adopte sa forme, d’où la spécificité des pagaies des îles de la Société, des Gambier, des Australes, des Tuamotu, des Marquises ou encore de Nouvelle-Zélande.
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