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Le Tatouage marquisien

Tatouage Marquisien
Zoo de Beauval
Zoo de Beauval

Le souci de marquer de façon indélébile une matière remarquable, le tatouage marquisien sert à la fois pour souligner une possession, la fréquentation, le souvenir d’un fait, mais aussi pour faire durer un évènement, l’inciter à se reproduire ou tout au moins en éviter l’oubli, existe à travers le monde depuis la nuit des temps. Il en va de même pour la volonté de se protéger, de vouloir éloigner par magie un mal, un danger.

Histoire du tatouage en Polynésie

Ces préoccupations se matérialisèrent par des peintures rupestres, sur écorce, des gravures sur pierre ( ou pétroglyphes ) et des sculptures mais aussi le tatouage connu notamment à travers tout le continent Eurasiatique, depuis la préhistoire.

Le tatouage fut ainsi introduit très probablement aux îles Marquises par les premiers Polynésiens, il y a environ 2000 ans. Il ne cessa de se développer dans l’ensemble de l’archipel où il connut un développement remarquable. Le tatouage est ici à la fois gage de beauté, de savoir, mémoire transmise, signe de pouvoir et moyen d’enseignement. C’est un droit d’entrée dans la société et une barrière de protection contre les influences maléfiques. Le tatouage se trouvait lié aux grandes étapes de la vie : c’était une garantie de succès, de reconnaissance sociale et d’admission dans le groupe.

Tatouage polynésien - Engraving from C.H van Langsdorff
Tatouage polynésien – Engraving from C.H van Langsdorff

Actuellement, il apparaît comme marque d’une volonté de survie et d’affirmation identitaire, de reconnaissance dans la différence. Pour Karl von den Steinen, il fut tout abord l’apanage des guerriers et des chefs: ce fut pour eux, en effet, qu’il connut ses plus beaux développements. Comme témoignent notamment les superbes gravures exécutées en 1804 à Nuku Hiva, lors du premier voyage scientifique russe autour du monde voulu par le tsar Alexandre 1er.

Instruments des insulaires de la mer du sud, c’est alors une véritable dentelle qui couvre entièrement le corps des personnalités relativement jeunes; les plus âgés étant, pour leur part entièrement noirs à force d’être sur tatoués comme le voulait l’usage. À partir des années 1825/1830, par la force des choses, quelques baies de l’archipel s’ouvrirent aux échanges avec le monde occidental; c’est l’amorce des premières transformations de la société marquisienne. Dès lors, tout comme, l’état de la peau d’un individu témoigne de son état de santé général, celle des Marquisiens en tant que mémoire vivante du groupe refléta les aléas imposés à cette vieille culture océanienne.

Devenant progressivement plus une marque de prestige qu’un talisman sacré, les règles qui en façonnaient son application connurent des assouplissements qui, longtemps encore, restèrent en accord avec les normes religieuses. Puis petit à petit, vers la fin du XIXe, la puissance des prêtres et des chefs traditionnels s’émietta face aux multiples bouleversements et calamités climatiques, disette et I’introduction de maladies inconnues jusqu’alors… Les usages subirent une ultime évolution jusqu’à se rapprocher d’un art, plus sensible donc à un aspect esthétique, bien que toujours associé dans les esprits à une recherche de prestige et de pouvoir. Avec l’entrée de l’archipel polynésien dans les réseaux d’échange commerciaux, et une forme de prospérité liée à de nouvelles normes économiques et sociales, le tatouage, comme d’autres formes d’art et d’artisanat aux Marquises, connut une phase d’explosion du décor associée à une diffusion plus large dans la société.

De ces grandes périodes ne furent conservés que quelques témoignages qui illustrent qu’une part infime de ce qui exista. La plupart ne concernent, qui plus est, que la dernière époque où « l’école » des îles du Sud domine autour d’artistes de Hiva oa, mais aussi Tahuata et Fatu Hiva. L’art des rnaîtres de Nuku Hiva quant à lui est peu illustré, en dehors des planches de l’expédition russe, encore moins celle de Ua Huka, tandis que celui de Ua Pou n’est concevable qu’à travers le remarquable tatouage d’une vieille dame qui sympathisa avec madame Handy et des relevés de K. von Steinen.

 

Tauakika de Omoa
Tauakika de Omoa

Cet engouement réel s’explique de multiples façons mais tout spécialement parce que le tatouage fut, des siècles durant, la clé de l’intégration sociale et le reflet de la valeur, ou du statut, d’un individu dans cet archipel où l’art de la parure, général, fut porté à un degré très élevé. Cette société qui possédait un sens trés profond du sacré associé à de nombreux interdits (ou tapu), s’appuyait sur deux valeurs fortes qui se recoupaient : le clan et la famille élargie avec les liens de solidarité qui leur étaient associés. Les chefs, les prêtres et les artisans y tenaient un rôle déterminant qui les séparait du reste de la population.
Toutefois, si celle-ci n’était qu’associée aux grands événements, les rôles attribués à chacun l’étaient par la volonté du clan; ces fonctions étaient révocables, en effet, bien qu’elles aillent de paire avec le prestige ancestral accordé à certaines familles en fonction de faits légendaires. Les étrangers de passage s’étonnaient de ne pouvoir identifier de hiérarchie car aucune marque particuliaire de respect ne semblait différencier les uns des autres, contrairement à ce qui se passait aux îles de la Société, où à Hawaii par exemple; en fait, ils ne pouvaient décrypter ce  » langage du corps « , cet art de la parure.
Le passage obligatoire par l’évaluation des individus se faisait par le biais de conseils tenus par les anciens au cours desquels la reconnaissance des actes accomplis aboutissait à l’obtention d’un motif spécifique, ainsi que l’explique un témoin de ces faits encore en vigueur au moment de l’implantation française dans l’archipel entre 1840 et 1848.

Tatouage Iles Marquises
Tatouage Iles Marquises

Le tatouage pour les marquisiens

Pour un Marquisien, le tatouage était l’expression d’une identité qui n’était elle-même, que le reflet de la lignée à laquelle il appartenait, souvent représenté par une chaîne humaine. Pour les femmes des Marquises, le tatouage était, dans l’ensemble, moins envahissant, plus clair en un mot. Il s’opposait en celà à celui des hommes qui pouvait aboutir à une noirceur bleutée absolue puisqu’ils pouvaient être couverts de la tête aux pieds jusque sur les parties les plus sensibles. Cette opposition entre clair et obscur, blanc et noir, etc. reflète la perception d’univers en équilibre entre ces deux pôles que sont le monde des vivants et celui des morts, le profane et le sacré… deux faces de l’univers imagées parfois par deux demi-sphères : le ipu porté fréquemment au revers du bras.

Les ‘enata ( habitants de ces îles) occupaient une position centrale mais passagère au sein de système : leur monde englobait leur vallée, la mer et l’espace céleste qui l’environnait. Il leur fallait maintenir, au prix d’innombrables interdits, des relations harmonieuses entre les forces qui les entouraient et les ancêtres divinisés qui pouvaient influer sur elles. Le chef était le garant du bon fonctionnement du tout et son efficacité consistait à faire respecter les règles mais aussi à convaincre ses ancêtres d’accorder la fertilité aux êtres, aux plantes et aux animaux.

La femme jouissait d’une considération liée à son ordre de naissance ou son rayonnement personnel. Elle pouvait jouer un rôle déterminant dans la vie politique ou religieuse puisque certaines furent chef ou grand prêtre. Comme les chefs et les guerriers, les femmes se devaient de porter des tatouages obligatoires. Ceux-ci se caractérisaient par leur emplacement, particulièrement douloureux les lèvres et les mains. Sans celui de la main droite, par exemple, elles ne pouvaient préparer le popoi ou assumer pour les personnes de haut rang, le rôle fondamental de gardiennes des « portes de l’au-delà », en accomplissant les processus de « momification ».

Par le biais du tatouage, il est ainsi possible de déchiffrer quelques symboles et de saisir certaines articulations de la pensée d’autrefois qui participaient à la mémoire du groupe.

Un des thèmes fréquents qui se retrouvent aussi dans la tradition orale est la place de l’individu, unique et multiple à la fois, dont la raison d’être n’est envisagée que lié au groupe dont il ne peut être que solidaire, à l’image des rameurs d’une pirogue. De la même façon, le corps d’un premier né d’une grande famille était symboliquement considéré un ensemble d’entités qui, chacune, recevaient un nom propre puis plus tard des motifs spécifiques.

Le corps du dieu Tiki (son nom signifie aussi image, dessin, tatouage…), premier être humain, ses mains, ses oreilles, son regard… ou celui de quelque grand ancêtre, sont à eux seuls des sujets de décor disséminés sur surface à orner. Tout cela ne fait que refléter la réalité, vecue et voulue par les communautés elles-mêmes : aucune action capitale ne pouvait être entreprise sans obtenir l’adhésion de toutes les chevilles ouvrières du corps social. Un exemple frappant, allant dans se sens est celui fourni par l’assemblage des pièces des grandes pirogues destinées aux expéditions guerrières ou déplacements importants qui ne pouvaient s’accomplir sans que toutes les familles dépositaires d’une partie de celles-ci n’apportent les éléments nécessaires.

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