Le nom de l’île Mataiva, qui signifie « les neuf yeux », porte ce nom en référence aux 9 chenaux dispersés sur sa couronne récifale et qui participent aux échanges entre le lagon et l’océan.
Découvrir Mataiva
Dans son écrin de saphir, lovée au coeur de l’immensité du Pacifique, l’île de Mataiva au nord des Tuamotu, est une terre à fleur d’eau. Cerné par l’océan bleu outremer, l’atoll possède un lagon d’une rare beauté. Peu profond, composé de vasques de sable, il explose de turquoise et d’azur. Sa mise en scène est si parfaite qu’il semble même être l’oeuvre d’un auteur inspiré ayant décidé d’écrire à Mataiva l’oeuvre de sa vie… Toute en bleu certes, mais quels bleus !
Sous la surface des eaux limpides du lagon se trouvent 20 millions de tonnes de phosphate. Cette mine « d’or », les habitants de Mataiva ne souhaitent pas l’exploiter car cela perturberait l’écosystème fragile de leur lagon. Et dans 30 ans, une fois le gisement sous-marin de phosphate épuisé, Mataiva ne serait plus qu’une ruine d’atoll, qui aurait perdu tout son éclat et sa belle robe turquoise…
Le village de Mataiva
L’histoire de Mataiva commence au coeur de son village, Pahua, coupé en deux par l’unique passe de l’atoll, Faratue. Entre les deux rives, un pont de 120 mètres de long. Jadis fabriqué en bois de kahaia et en planches de cocotier, il a été en l’an 2000 reconstruit en béton, et désormais, il tient bon ! Emporté autrefois à maintes reprises par les fortes houles du nord, dont celle du 30 janvier 1998, qui balaya aussi les fragiles habitations de bois qui se trouvaient sur le versant exposé, il est aujourd’hui le plus long pont de la Polynésie française, après le tout récent échangeur de la Punaruu à Tahiti. Il fait en tous les cas la joie des 237 habitants de Mataiva qui peuvent désormais aller et venir d’une rive à l’autre, en 4×4, à pied ou même à vélo.
Mataiva, son coprah et son lagon
Le peuplement de Mataiva est le résultat de migrations en provenance des deux atolls voisins Tikehau et Rangiroa. Leurs habitants venaient en effet sur Mataiva pour y récolter le (noix de coco séchée). Et petit à petit, vers 1945, ils commencèrent à s’installer sur cette île. De sorte qu’à Mataiva, les gens vous le diront : avec Rangiroa et Tikehau, ils composent une même famille ! Aujourd’hui, les habitants vivent essentiellement du coprah et de la pêche.
Dans le village, où subsistent quelques ruines des maisons de jadis construites alors en bloc de corail, le poids su silence est brisé par les travailleurs de coprah qui, dans leurs jardins, s’acharnent sur les cocos. Les parfums âpres des noix exposées en plein soleil surprennent le promeneur solitaire, mais participent au charme authentique de cette terre en marge de tout et où le bonheur de vivre prend enfin un sens.
Dans ce monde cerné d’océan, le secret de la beauté de cet atoll se découvre à fleur d’eau.
C’est en longeant la rive Ouest de la passe de Faratue, alors que, dans la lumière aveuglante du jour, les eaux de l’océan pénètrent doucement dans l’atoll, que le rideau se lève sur un bijou trop bien gardé : sur des franges de sable d’or écrasées de soleil, où les oiseaux marins aiment se poser, le lagon étale son exubérante robe turquoise. Magnifique, comme le reste, comme tout le reste. On en frémit d’admiration. Et ce lagon, plus surprenant que dans tout autre atoll des Tuamotu, devient alors une obsession qui hante même les rêves.
Ofai taunoa
Sur l’étroite route de corail qui fait presque le tour complet de l’atoll, les crabes de terre appelés tupa fuient, les pinces en l’air, et font crisser les palmes de cocotiers balayées par le vent qui gisent, desséchées, sur la terre de corail. Le 4×4 évolue sans difficulté sur le chemin. Il est surprenant de voir que sur les versants Nord et Est de l’atoll, le récif côté océan est toujours proche du pourtour de l’île. Les tortues marines peuvent alors facilement accéder aux plages de sable qui deviennent des lieux de ponte recherchés.
La chasse à la tortue est interdite aujourd’hui en Polynésie française
Mais jadis, les gens de Mataiva partaient au crépuscule à la recherche des lourdes carapaces. C’est sur le signal des Anciens qu’ils prenaient la route. Ces derniers observaient les nuages et quand, au-dessus de la passe de Faratue, les gros cumulus chargés d’eau prenaient la forme d’ ofai taunoa, appelé le rocher de la tortue, ils savaient qu’à la tombée du jour, les tortues allaient remonter de l’océan. Ce rocher en forme de couronne est visible sur le récif Est de l’atoll. Sur son frêle socle de corail, exposé aux tempêtes, il paraît fragile, mais, il ne faut pas se fier aux apparences. Ofai taunoa résiste très bien au temps et accompagne plusieurs générations de « mataivaiens ».
Le site Poea et la légende de TU
En poursuivant la route de corail vers le sud de l’atoll, on traverse la cocoteraie de Poea qui recule l’idée dont on se fait de la végétation habituelle des Tuamotu. A l’ombre de nombreuses espèces d’arbres, comme les tohu, puatea ou tohonu, poussent des fougères d’un vert profond. Des mousses et des lichens se développent sur les faces nord des troncs des cocotiers. Du jamais vu ! Une forêt à part entière existe sur ce site où tout est différent : l’air est plus humide ; les insectes, plus agressifs et les couleurs végétales, bien plus vibrantes. Un peu plus loin côté océan, la « plateforme des cerfs-volants » s’étend sur quelques dizaines de mètres. C’est de cet endroit que jadis, les guerriers alertaient Tu, le roi de Mataiva, de l’approche des ennemis. Pour cela, ils lançaient leurs cerfs-volants dans le ciel.
A ce signal, Tu, qui vivait à Papiro dans le sud de l’atoll d’où l’on a une vue imprenable sur la passe de Mataiva, repérait les pirogues ennemies et les laissait pénétrer dans le lagon. En seulement trois enjambées, il était à leur niveau. Il les forçait à se rendre à Tao et les tuait sur un rocher. C’est ainsi que Tu fut longtemps le héros et le protecteur de l’atoll. Mais toute belle chose a une fin, et un jour, des pirogues d’Anaa vinrent. Tu épargna trois femmes qui devinrent ses servantes à Papiro.
Observatrices, elles remarquèrent que la force de Tu ne tenait qu’à un fil, et plus précisément à un cheveu blanc qui poussait sur le sommet de son crâne. Elles le lui arrachèrent et TU fut par la suite tué par des piroguiers qui venaient à nouveau d’Anaa. Les serviteurs de Tu le vengèrent, ils suspendirent les trois femmes par les pieds sur le lieu-dit de Papiro qui, selon les matahiapo (les Anciens) du village, s’appelle en réalité Paure.
Le pito de Mataiva et l’îlot aux oiseaux
Traverser le lagon de Mataiva en bateau est un jeu de piste que seuls les marins de l’atoll maîtrisent. L’embarcation à fond plat se faufile d’une vasque d’eau à une autre et à la frontière des deux, les blocs de corail affleurent à la surface de l’étendue turquoise. Sur ces eaux lumineuses, un monolithe noir semble flotter : c’est le pito de Mataiva. Les gens du village racontent que tant que l’on a pas posé son pied sur cet étrange bloc de basalte, l’on ne peut prétendre être arrivé à Mataiva. Jadis, un miki miki poussait sur cette pierre…
Par quel miracle l’arbre puisait-il la force de se dresser ainsi, dans un sol rocailleux au coeur d’une étendue d’eau salée ? Un peu plus au sud, des sternes, des frégates et des fous tourbillonnent au-dessus d’un motu (petit îlot). La danse de ces dizaines d’oiseaux dans un ciel particulièrement pur, dans une lumière étonnamment pure, est captivante.
Mais sur l’îlot aux oiseaux, s’approcher des nids est une aventure risquée ! Persuadés que les étranges bipèdes viennent sur l’îlot pour voler leurs oeufs, les parents frôlent les têtes des visiteurs… Tactique d’intimidation qui fonctionne à merveille pour ceux et celles qui ont été traumatisé par le célèbre film d’Hitchcock !
Image - Cartes - Photos : paysages des îles des tuamotu -