Formée au contact de l’Ouest et de l’Est, la culture polonaise a aisément assimilé les éléments exogènes. Ainsi fut créé un patrimoine culturel spécifique dont l’existence, lors des «partages», a préservé le pays d’un engourdissement spirituel.
Littérature en Pologne
La littérature polonaise a cheminé en harmonie avec les courants artistiques européens de la Renaissance, des Lumières et du romantisme. L’imagination des écrivains, façonnée par les vicissitudes de l’histoire, lui offre un caractère particulier. Les premières œuvres naissent au Moyen Âge: le latin monopolise alors les chroniques, et les questions religieuses sont les seuls thèmes abordés. La langue vulgaire s’impose à partir du XIIIe siècle et s’épanouit trois siècles plus tard sous la plume du poète Jan Kochanowski. Le baroque du XVIIe siècle, importé de France et d’Italie, est illustré par Waclaw Potocki et Samuel Twardowski, tandis que les Lumières seront incarnées par Ignacy Krasicki.
Après le partage du pays se fait jour la grande époque de la poésie patriotique (de Krasicki et Slowacki à Mickiewicz). L’échec de l’insurrection de 1863 sape l’exaltation romanesque. La plume des écrivains, sous l’emprise du réalisme, relate le désarroi des révoltés, la misère des paysans et l’appauvrissement des nobles. Au même moment s’affirme une image idéalisée de l’histoire (Sienkiewicz). Le positivisme et sa prose moderne se trouvent à la source d’une nouvelle littérature (Dygasiski). Mais le mouvement de la Jeune-Pologne (1890-1910) remet en cause une conception utilitaire de la littérature.
Après l’épreuve de la Seconde Guerre mondiale, le double courant formaliste et prolétarien de l’entre-deux-guerres – période dont il ne reste que les personnalités d’exception que sont Witkiewicz, Schulz et Gombrowicz – fait se muer les écrivains en témoins de l’histoire d’une nation traumatisée, avant que l’ordre stalinien n’impose le «réalisme socialiste» et n’inspire et récompense ses genres littéraires et laudateurs. Un grand nombre d’auteurs émigrent, dont Czeslaw Milosz (la Pensée captive, 1953), prix Nobel de littérature en 1980. Leurs œuvres sont alors mises à l’index. L’ironie et l’amertume qui envahissent les romans n’ont d’égal que l’esthétisme qui marque la poésie.
Art et architecture en Pologne
Les plus anciennes bâtisses de Pologne, palais princiers et chapelles-rotondes, datent du Xe siècle. À partir du XIIIe siècle, les monuments de l’art roman sont supplantés par des édifices gothiques. Le style de la voûte d’ogives inspire les artistes polonais; il engendre de nombreux chefs-d’œuvre, comme, à Notre-Dame de Cracovie, le triptyque en bois polychrome de Veit Stoss (en polonais Wit Stwosz). L’art de la Renaissance pénètre sous l’influence des maîtres italiens invités par Sigismond Ier Jagellon le Vieux. Bartolommeo Berecci remanie le Wawel à Cracovie, digne demeure royale, et édifie la chapelle du roi Sigismond, un des plus beaux joyaux de la Renaissance en Europe occidentale. Le baroque s’impose à partir de 1650. La résidence seigneuriale perd alors son caractère défensif, à jamais noyé dans la luxuriance des décors et la splendeur des jardins. À cette époque naît le portrait sur cercueil, genre artistique unique.
L’influence française devient prépondérante sous le mécénat du roi Stanislas II Auguste Poniatowski. On édifie de nombreuses œuvres d’un classicisme raffiné, comme le Palais d’été sur les eaux , inspiré du Petit Trianon. Dès le XIXe siècle, les artistes commencent à blâmer les influences étrangères. Le romantisme fait triompher les œuvres à motifs patriotiques de Jan Matejko et de Juliusz Kossak. Au XXe siècle, un courant d’innovation pousse les peintres sur la voie de l’art contemporain et des mouvements d’avant-garde: constructivisme, abstraction, cinétique, expressionnisme et surréalisme. L’art de l’affiche et la graphique expressionniste tiennent une place éminente.
Magdalena Abakonowicz est l’un des créateurs les plus prestigieux de la tapisserie moderne.
Cette floraison artistique n’a pas le même éclat dans le domaine de l’architecture. Dépourvus de moyens et pressés par la demande, les architectes submergent le pays d’immeubles sans grâce. L’originalité ne reprend ses droits qu’après 1990. L’art sacral acquiert alors plus de vigueur.
Le Cinéma Polonais
Déjà très remarquée dans le théâtre (avec notamment Tadeusz Kantor et le groupe Cricot 2 de Cracovie, Jerzy Grotowski et le Théâtre Laboratoire de Wroclaw), la créativité polonaise au XXe siècle s’est emparée du septième art. Une véritable école polonaise du cinéma a été constituée. Celle-ci est surtout renommée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec les metteurs en scène Andrzej Wajda (Cendres et Diamants, 1958; l’Homme de marbre, 1976; la Semaine sainte, 1996; l’Anneau de crin, 1993); Roman Polanski (Répulsion, 1965; le Bal des vampires, 1966; Lune de fiel, 1992; la Jeune Fille et la mort, 1995), devenu américain; Jerzy Skolimowski (Deep end, 1970; Travail au noir, 1982) et Krzysztof Kieślowski (le Décalogue , 1987-1988; la Double Vie de Véronique, 1991; Trois Couleurs : Bleu, 1993; Trois Couleurs : Blanc et Trois Couleurs : Rouge, 1994).
La Société polonaise
En Pologne, la société subit les contrecoups de la rupture avec l’ancien système. Après avoir bouleversé l’idéologie d’hier, compromis les valeurs d’aujourd’hui, les autorités politiques ont laissé une population désorientée se débattre dans les dysfonctionnements et les erreurs inhérents à l’inexpérience.
En 1997, l’État consacrait 5,5 % du PIB à l’éducation. La scolarisation obligatoire et gratuite concerne les enfants âgés de 6 à 15 ans. Le second degré accueille 81 % des jeunes. Les établissements, d’une façon générale, sont surchargés. Les études supérieures sont poursuivies par 13 % des jeunes de la tranche d’âge 18-24 ans: c’est l’un des plus faibles taux en Europe. On n’obtient qu’un seul diplôme après cinq ans d’études. La plupart des diplômés ont des salaires inférieurs à la moyenne nationale. Avec l’effondrement de l’Union soviétique, l’apprentissage du russe, qui était obligatoire, a été détrôné au profit de l’anglais. Les écoles privées encadrent peu d’élèves et à des prix très élevés.
Le système de santé
Les Polonais paient de leur santé le «désastre écologique» hérité de l’ancien système. Les zones sinistrées abritent 35 % de la population et couvrent 11 % du territoire. L’espérance de vie est inférieure de 6 ans à celle des Français. Paradoxalement pour un pays industrialisé, elle ne semble pas progresser. Le taux de mortalité infantile atteint 12,4 ‰ [estimation 1997]. Pourtant, le pays est doté d’un système hospitalier assez performant, avec lits et médecins en nombre suffisant. Le secteur médical fonctionne en fait à deux vitesses. Les établissements publics, sévèrement touchés par les restrictions budgétaires, sont mal approvisionnés; les médecins y sont submergés par des tâches administratives. En revanche, les cliniques privées récemment apparues dispensent, à des prix prohibitifs, des soins de qualité.
Religion
L’Église catholique, pour avoir enfanté l’État et soutenu le combat de Solidarité, joue un rôle considérable dans la société. Elle navigue entre ses exigences de liberté pour le peuple polonais et un traditionalisme teinté de nationalisme virulent, de xénophobie, voire d’antisémitisme. Jean-Paul II, premier pape non italien depuis le XVIe siècle, était archevêque de Cracovie depuis 1964.
La Pologne compte environ 95 % de catholiques, dont 78 % pratiquent régulièrement. Les 15 000 églises et chapelles du pays sont des lieux très fréquentés. Près de 5 millions de pèlerins rendent chaque année hommage à la Vierge noire de Czzstochowa. La piété reflète l’importance de la foi, qui a permis à nombre de Polonais de supporter les heures sombres. L’Église s’est chargée d’entretenir la conscience nationale lors des «partages», ce qui justifie le respect dont elle jouit dans la société. Bravant les persécutions – exil du primat Wyszynski (1953-1956), assassinat du père Popieluszko (1984) – les prêtres protégeaient les dissidents et leurs familles.
Avec la chute du régime communiste, l’influence de l’Église submerge la scène politique. Forte d’un appui populaire que quarante-cinq ans de laïcisation forcée n’ont pu ébranler, elle s’applique à modeler le visage de la démocratie naissante. Les «valeurs chrétiennes» sont propagées contre les «tentations» de la société de consommation: croisades contre l’avortement, introduction du catéchisme obligatoire dans les programmes scolaires, restitution à l’Église des propriétés confisquées (hôpitaux, crèches, écoles). De violentes polémiques portent sur les limites de l’ingérence du clergé dans la vie civile.
L’Église, qui jadis unissait les Polonais, devient désormais un facteur de clivage.
En dépit d’un vote des députés en faveur de l’interdiction de l’avortement le 17 décembre 1997, et de la ratification par la Diète du concordat avec le Vatican le 8 janvier 1998, l’influence de l’Église catholique dans la société, toujours très forte dans les campagnes, tend à décroître. Beaucoup de jeunes s’éloignent de la religion, et des signes de rejet sont partout perceptibles. La Pologne était, selon le mot du pape Jean-Paul II, «menacée par le virus du relativisme moral».
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