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Destins Croisés Les Amérindiens

Amerindiens
Zoo de Beauval
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Destins croisés. Cinq siècles de rencontres avec les Amérindiens est un volumineux recueil, qui a vu le jour à l’automne de l’année du Quinto Centenario et qui vient élargir pour un vaste public les paysages de la Rencontre des Deux Mondes. Avec bonheur, il dessine les images labiles de la primitivité américaine telles qu’elles ont surgi au contact de l’Occident puis ont circulé par delà les océans, Atlantique et Pacifique.

Les réflexions des quarante et un collaborateurs (essayistes, journalistes, historiens, anthropologues, auxquels s’est joint un archimandrite) sont regroupées en trois dossiers : les Indiens du Mexique, l’Amérique du Nord, le monde inuit et sa province groenlandaise. Les thématiques abordées — qui illustrent un parti pris d’ouverture aux sensibilités littéraires et artistiques de l’Europe, de Dürer aux surréalistes — incluent également l’approche des métissages culturels, attestés parfois dans des territoires périphériques ignorés des grandes synthèses historiques.

Chapitre I – Les Amerindiens

La première partie concerne la Mésoamérique et s’ouvre sur le rappel de ce miracle métropolitain nommé Mexico, « la cité que l’on n’attendait pas » (G. Baudot) et que les Espagnols allaient envahir d’une « ahurissante présence ». P. Gehrard s’attarde sur le processus d’hispanisation très précoce de la péninsule maya, et dresse le portrait captivant de G. Guerrero, héros cinématographique et romanesque avant la lettre, premier Espagnol indigénisé mort au combat en chef de guerre contre ses compatriotes. B. Leander, quant à elle, évoque la figure emblématique de la Malinche, symbole de la femme aztèque truchement des conquérants, dont elle souligne la part active, voire même résistante, puis retrace l’évolution du statut et de l’image de la femme à travers la poésie indigène.

L’époque coloniale, surtout en milieu urbain, est marquée de mouvements chaotiques dans lesquels prennent naissance de nouvelles générations indigènes hispanisées, ainsi que le souligne S. Gruzinski en redéfinissant le concept d’« univers fractal ». À l’inverse, les résistances indigènes à Pévangélisateur se traduisent par la protection ou l’insertion d’objets rituels autochtones dans des édifices espagnols, comme l’indique E. Matos Moctezuma. F. López Morales fait ressortir les permanences culturelles dans l’utilisation de l’espace habité, des altepeme aztèques aux centres cérémoniels et à la maison indigène contemporaine. Sur le plan de l’image, selon une démarche à rebours suivie par J. Galaza, se dévoile, sous la multitude des « glyphes chrétiens » tracés par les tlacuilos instruits dans la religion du Christ, 1’« écriture pictographique » indigène.

On saura gré aux concepteurs de l’ouvrage d’avoir pris en considération les marches septentrionales du Mexique, où les enjeux politiques diffèrent si radicalement de ceux qu’impose en Mésoamérique la densité de l’occupation territoriale indigène. L. González Rodríguez reconstitue les premiers contacts dans l’ouest et le nord-est de la Nouvelle Espagne à partir des Cartas de Relación adressées par Cortés à Charles Quint, tandis que I. del Río évoque L’Homme 126-128, avr.-déc. 1993, XXXIII (2-4), pp. 537-594. 538 Comptes rendus la rupture des divisions territoriales entre ethnies qui a lieu en Basse Californie dès l’implantation des missions jésuites.

Il revient à C. Feest, en précisant les frontières sémantiques du concept de Kunst à l’époque de la Renaissance, d’explorer le célèbre autant qu’énigmatique commentaire de Dürer lorsqu’il vit aux Pays-Bas les objets mexicains, et de nier toute perception spécifiquement allemande de ces artificialia.

Chapitre II – Les Amérindiens

C’est encore de l’image de l’Indien dont il est question dans la deuxième partie, mais au nord du Rio Grande, à propos notamment du génocide perpétré dans la mouvance de J. Cartier et de l’édification d’une image de l’Indien « sauvage » (E. Navet). B. Vincent s’attache à décrire le double visage, dans la mythologie populaire, de Pocahontas/Rebecca, héroïne indienne civilisée, « morte à elle-même », figure idéale de la saga civilisatrice américaine. Quant au maure Esteban, au destin tragique, indissociable de l’expédition de Cabeza de Vaca puis de celle de Fray Marcos de Niza et de la conquête chimérique des Sept Cités de Cibola, son souvenir hante encore la mémoire indigène dans le Southwest (J. Rostkowski).

Il reste, dans l’histoire du contact, des thèmes obscurs tel que celui de l’indianisation des blancs, fort justement rappelé par P. Jacquin. De son côté, W. Powers dévoile son itinéraire personnel, son passage de la fascination à son adoption par les Lakota dont il retrace l’histoire du contact avec les Français.

Également peu documentée, la rencontre tardive entre Espagnols et Indiens sur la côte Nord-Ouest, question sur laquelle J. Alcina Franch et M. Palo Baquero apportent une importante contribution après enquête en archives.
Le Nouveau Monde en Europe, aux XVIIIe et XIXe siècles, c’est surtout celui des cabinets de curiosités, dont le Musée de l’Homme deviendra dépositaire (A. Vitart). Mais c’est aussi la découverte de la somptueuse œuvre de Catlin, présentée à Paris : N. Delanoë rappelle à ce propos la « rencontre manquee », déformée par l’imaginaire, entre Baudelaire, Delacroix, George Sand et leurs modèles indiens. Quant aux surréalistes, c’est en direction de la côte Nord-Ouest que se tournent leurs regards, vers les spectaculaires masques à transformation kwakiutl qui intriguaient Breton : il y percevait, nous dit M. Mauzé, un « insondable jeu de regards » entre art primitif et européen. De ce même monde, A. Jonaitis fait entendre les voix autochtones qui s’élèvent aujourd’hui pour valoriser leur art propre, dans le sillage de F. Boas.

Le monde inuit bénéficie, dans cette entreprise, d’un traitement privilégié. À elle seule, la troisième partie forme un livre dans le livre. On ne sera pas surpris que cinq des contributions sollicitées concernent le Groenland, aujourd’hui véritable « berceau d’une nouvelle nation inuit », comme le rappelle en introduction J. Malaurie, qui traite également de l’histoire accélérée des populations du nord Groenland entre les deux « boomerangs » (1818 : les Inuit, devenus sujets britanniques, maintiennent le contrôle de leur territoire face à leurs envahisseurs ; 1951 : création de la base américaine de Thulé). Dans ce dossier, Rasmussen tient nécessairement une place d’honneur. On y voit retracée sa philosophie politique, tournée vers l’intégration du Groenland au Danemark en vue d’une meilleure entente entre les communautés danoise et inuit (R. S0by). Ces malentendus autour de l’identité groenlandaise se reflètent dans la littérature : K. Thisted montre comment le pays ne fait plus office de « réserve de mythes ». Une littérature où la valorisation du passé fait aujourd’hui contrepoids à la revendication politique (C. Berthelsen), moteur de l’affirmation de l’identité groenlandaise au service de laquelle l’université nationale joue un rôle majeur (R. Petersen). Comptes rendus 539G. Bogliolo Bruna remémore la fabrication du stéréotype de l’Esquimau « féroce et défiant » dans l’imaginaire occidental à la Renaissance. À l’opposé domine sur son piédestal Nanouk l’Esquimau, dont A. -M. Bidaud entreprend la lecture critique en repérant les techniques d’« archaïsation » de limage de l’Inuk chez Flaherty.

Au cours de la dernière décennie, la présence russe en Amérique a fait l’objet de très fructueuses recherches. Dans cette veine s’inscrivent l’enquête de N. Agustín qui relate l’histoire des missions orthodoxes en Alaska, et celle de A. Chaoukenbaeva qui livre les impressions des premiers navigateurs et commerçants russes en Alaska, éclairant les prémisses de la recherche ethnographique pré-soviétique, prélude à la création de collections dont E.Okladnikova retrace l’historique dans un tableau synoptique.

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