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Grandes civilisations méditerranéennes
Grandes civilisations méditerranéennes

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Zoo de Beauval
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Le début de l’âge du bronze des grandes civilisations méditerranéennes est favorable au développement de l’archipel des Cyclades.

Chronologie (vers – 4750): Colonisation des Cyclades

Au cours du IIIe millénaire, de nouvelles techniques de navigation facilitent leur occupation permanente. Installés au cœur de la mer Égée, les Cycladiques vont accélérer le mouvement des échanges entre l’Anatolie et les Balkans. D’énigmatiques idoles de marbre blanc, exhumées principalement des nécropoles de Naxos et de Skýros, témoignent aujourd’hui du talent de leurs artistes.

Vers 1900 av. J.-C., cette civilisation cycladique disparaît. La thalassocratie crétoise a pris le relais. À Cnossos et à Phaistos, les palais minoens regorgent d’objets provenant d’Égypte, de Chypre et d’Anatolie. Les Crétois, dont on sait aujourd’hui qu’ils s’exprimaient en grec, inondent le Proche-Orient de leurs poteries. Leurs marins inaugurent la navigation au long cours et abordent les rivages de la Sicile. Mais, brutalement, vers 1450 av. J.-C., un violent séisme détruit leurs palais. D’autres bâtisseurs s’emparent alors des Cyclades et de la Crète au XVe siècle: les Achéens de Mycènes. Ils perpétueront les traditions navales des Cycladiques et des Crétois. Toutefois, ce sont des guerriers, et leur architecture est militaire. Au milieu du XIIIe siècle, ce sont eux qui organiseront la fameuse expédition contre Troie, longtemps tenue pour un mythe.

Les Hittites

Premier peuple de l’histoire à maîtriser la métallurgie du fer, les Hittites apparaissent sur le plateau central de la péninsule anatolienne au début du bronze ancien, à la fin du IIIe millénaire avant notre ère. Ces Indo-Européens portent le nom des populations autochtones du pays du Hatti, auxquelles ils se sont assimilés en partie et dont la culture, très développée, rayonnait jusqu’aux rivages de la mer Noire et aux contreforts du Caucase. À la croisée des routes terrestres du cuivre fréquentées par les caravaniers de l’Asie du Sud-Ouest, les Hittites fondent un empire qui dominera l’Asie Mineure durant le IIe millénaire. Ils se rendent ainsi maîtres de la Syrie et de Chypre, et contrôlent effectivement le marché du cuivre et du fer de l’Est méditerranéen depuis le port d’Ougarit.

Au début du siècle, lors des fouilles effectuées sur le site de Hattousa, la capitale hittite, des archéologues ont découvert leurs archives royales. Ces documents révèlent qu’ils ont eu maille à partir avec leurs voisins du Mitanni et de Babylone. Mais, grâce à leur armement de fer et à leurs chars, ils ont réussi des raids spectaculaires sur Alep et sur Babylone en 1595 comme ils ont tenu en échec l’armée égyptienne de Ramsès II lors d’une grande bataille de chars devant Qadesh en 1296.

Les Phéniciens

Les Phéniciens sont les premiers navigateurs à faire cingler leurs voiles dans les deux bassins de la Méditerranée, l’oriental et l’occidental. À l’époque des «siècles obscurs», ils entreprennent de restaurer le grand commerce maritime et se lancent dans de longs voyages d’exploration. Précurseurs des marchands grecs, ils inaugurent une nouvelle stratégie commerciale en multipliant des comptoirs le long des côtes.

La Phénicie, qui correspond à l’espace côtier du Liban actuel, est, au Xe siècle avant notre ère, une mince bande de terre adossée à la montagne le long de laquelle plusieurs cités maritimes se sont ancrées à de petites péninsules ou à des îlots afin d’être à même de se défendre contre toute incursion militaire provenant du continent. Byblos et Sidon sont les plus anciennes, Tyr est la plus récente et la plus prestigieuse. Depuis la destruction d’Ougarit, elles assurent les échanges entre l’Anatolie, l’Égypte et les empires voisins. Grâce à la qualité de leurs navires et à leur connaissance de la navigation, ces Sémites courent les mers jour et nuit d’un bout à l’autre de l’oikoumenê («territoires connus et habités», en grec). De leurs chantiers navals sont lancés des voiliers à la coque calfatée avec le bitume provenant de la mer Morte.

Afin d’atteindre le plus vite possible l’Occident, ils utilisent la route centrale qui passe au large de Chypre, de la Crète et de Malte. Leur réputation d’explorateurs est telle qu’ils accompliront un périple de trois ans autour de l’Afrique pour le compte du pharaon Néchao II, au VIIe siècle av. J.-C. Mais la prospérité de leurs cités suscitera la convoitise des empereurs voisins. Avant de tomber sous le joug des Assyriens puis des Babyloniens, ils auront, entre le Xe et le VIIIe siècle, créé un empire commercial, inventé un alphabet simplifiant l’écriture et relié le monde oriental le plus évolué aux confins de l’Occident.

Continent mycénien
Continent mycénien

L’hellénisation de la mer Égée

Un demi-siècle est à peine écoulé après l’effondrement de la civilisation mycénienne que le monde égéen, encore instable, subit à nouveau de violentes secousses. Cette fois-ci, ce sont les Doriens qui cherchent à faire place nette. Ils seront les derniers envahisseurs indo-européens de la Grèce. Les populations achéennes abandonnent de nombreux sites et se réfugient en Attique, en Eubée et dans les îles les plus orientales, comme Chios et Chypre, provoquant ainsi les premières vagues de peuplements grecs en Asie Mineure. Les structures égalitaires importées par les Doriens s’opposent aux structures sociales hiérarchisées des Achéens, qui préfèrent, alors, quitter les terres.

Cependant, comme le fera observer Hésiode au VIIIe siècle, le système de propriété collective est vite condamné à disparaître. Tôt ou tard en effet, le phénomène est récurrent pendant toute l’Antiquité grecque, le morcellement des terres aboutit à une concentration de la propriété et à la formation de couches sociales hiérarchisées. De cette période troublée, les Grecs ont gardé le souvenir dans leurs mythes. Ainsi celui des fils d’Héraclès, lié à l’épisode du retour de la guerre de Troie, illustre-t-il la nouvelle répartition des peuples grecs. À la mort du héros, les Héraclides s’emparent du Péloponnèse; les descendants d’Oreste de Lesbos et de l’Éolide, enfin les Ioniens, guidés par Androclos, fils du roi d’Athènes Codros, vont fonder les douze cités de l’Ionie.

Les premières colonies grecques

À partir du milieu du VIIe siècle et durant deux siècles, le monde grec commence à s’ouvrir sur la Méditerranée. Une première vague de colons se déplace vers les anciens établissements mycéniens de la Sicile et de l’Italie du Sud. Simultanément ou presque, d’autres colons s’installent dans le nord de la mer Égée. Certains vont encore plus loin, sur le Propontide et la mer Noire. Ils viennent de cités prospères dotées de flottes importantes: Chalcis, Mégare et Corinthe. Ces immigrés sont dirigés chaque fois par un oikiste, personnage cumulant les fonctions de prêtre, de militaire et de chef politique. C’est lui qui procède à l’installation de la colonie et répartit entre les colons des lots de terre égaux. Ces agriculteurs qui plantent des oliviers et des vignes noueront des liens étroits avec les indigènes et fusionneront rapidement avec eux. Cette vague souvent très anarchique est suivie d’un second peuplement, dont les objectifs sont plus commerciaux que territoriaux.

À l’exemple des Phéniciens, les cités se lancent dans le grand commerce et, à leur tour, créent des comptoirs et des ports. Les Phocéens fondent ainsi Marseille et Ampurias (Catalogne); les Milésiens, après avoir jalonné de comptoirs la mer Noire, obtiennent du pharaon une concession qui leur permet de construire le port de Naucratis, dans le delta du Nil. La Méditerranée connaît ainsi au VIe siècle un regain d’activité maritime très intense. Les cités sont ravitaillées par leurs flottes marchandes: les blés proviennent de Sicile, d’Italie, de Scythie et d’Égypte, les bois pour la construction navale de Thrace et d’Anatolie, le fer d’Étrurie et de l’île d’Elbe, l’étain des îles Britanniques.

De cette puissance retrouvée émerge l’empire maritime d’Athènes, centre du commerce méditerranéen jusqu’à la fin du IVe siècle. Très vite pourtant, cet équilibre se rompt: Sparte se révolte (404), et il faut désormais compter avec l’activité commerciale de Rhodes et de Byzance. L’unification fragile fait place à un morcellement qui vulnérabilise la Grèce.

Alexandrie
Alexandrie

Alexandrie et l’unification du bassin oriental

Le démembrement de l’empire d’Alexandre replace le centre de gravité du monde hellénistique en Méditerranée orientale. L’empire maritime des Athéniens a perdu son hégémonie au profit de Rhodes puis d’Alexandrie. Bénéficiant de sa situation au sud-est de la mer Égée au moment où l’axe des grands échanges internationaux se déplaçait vers l’est, le port de Rhodes est devenu un grand centre du commerce des blés et des vins en Méditerranée orientale. Cependant, la conquête romaine lui portera un coup sérieux en inaugurant à Délos un port franc.

La seconde grande cité commerciale de l’époque hellénistique est Alexandrie. Fondée en 331 av. J.-C., elle deviendra la capitale de la dynastie des Lagides. Entièrement ouverte à la vie maritime, cette cité à l’urbanisme audacieux sera vite la première agglomération du monde antique. Son port, bien protégé, possède sur l’île de Pharos une tour de marbre blanc, haute de 180 m, au sommet de laquelle on entretient des feux la nuit pour guider la marche des navires. Les nouvelles routes maritimes délaissent la vieille Grèce. Depuis le port d’Alexandrie, on exporte les blés égyptiens, mais aussi des produits d’Afrique (comme l’ivoire), les parfums de l’Arabie et les épices de l’Inde. La vie économique est aux mains d’une grande bourgeoisie constituée de Grecs et de Syriens. Pour la première fois, l’interdépendance économique des régions et la communauté de civilisation unifient le monde méditerranéen.

Carthage, passerelle entre deux mondes

Carthage, qui signifie «Ville nouvelle», a été créée par les Tyriens au début de leur exploration de la côte africaine, au IXe siècle av. J.-C. Elle deviendra la grande puissance navale de l’Occident méditerranéen jusqu’au IIe siècle et disputera âprement à Rome la suprématie au cours des guerres puniques avant de s’incliner en 146 av. J.-C. Les Carthaginois sont entrés dans l’histoire de la Méditerranée après la chute de Tyr, avec l’arrivée massive des réfugiés métropolitains. Ils vont transformer les réseaux commerciaux phéniciens en possessions et en conquêtes coloniales. Avec eux, les escales de la côte africaine passent du statut de comptoir à celui de cité. Leur dynamisme sort l’Afrique du Nord de la préhistoire: ils y acclimatent l’olivier, la vigne, le figuier, l’amandier et le grenadier. Les Carthaginois vont tirer un énorme profit du décalage économique des deux Méditerranée.

L’Ouest sous-développé leur fournit, à bon compte, des matières premières et des esclaves: l’étain provient d’Espagne et des îles Britanniques, l’argent de la Sardaigne et de l’Andalousie, l’or en poudre de l’Afrique noire. Simultanément, ils inondent leurs colonies de produits manufacturés, surtout des poteries, et leur fournissent du vin et de l’huile. Aux Étrusques et aux Romains, ils livrent des épices et des drogues venues de l’Inde par la mer Rouge. La destruction de Carthage a suspendu l’expansion de la civilisation proche-orientale le long des rivages sahariens de la Méditerranée. Il faudra attendre le VIIe siècle de notre ère et les Arabes pour que ce mouvement d’unification de la Méditerranée méridionale soit relancé.

Rome et le bassin occidental

Les Romains n’ont jamais manifesté de vocation maritime durant l’époque de la République. S’ils sont devenus, au IIe siècle avant notre ère, la première puissance méditerranéenne, c’est en quelque sorte contre leur gré, à la suite de conflits avec Carthage et en raison des menaces macédoniennes. La victoire sur Carthage a non seulement mis hors jeu la première puissance navale de l’Ouest méditerranéen, mais encore elle a livré à Rome un empire comprenant la Sicile, le sud de l’Espagne et l’Afrique du Nord. La conquête de la Gaule méridionale en 123 av. J.-C. parachève sa suprématie sur les régions limitrophes du bassin occidental.

Rome peut alors soumettre le bassin oriental en annexant la Macédoine et en menant campagne contre le royaume de Pergame en Asie Mineure. En 133 av. J.-C., l’ensemble de la Méditerranée lui appartient. Cette hégémonie, qui prend souvent la forme d’une colonisation brutale, provoque de nombreux bouleversements politiques et culturels: la fin de la République et l’hellénisation de l’Empire naissant. Une des premières conséquences de l’intervention des Romains dans le monde des affaires maritimes sera l’éradication de la piraterie en Méditerranée, d’abord à l’ouest, ensuite à l’est après la victoire navale d’Actium.

La vie maritime antique atteint son apogée sous la pax romana. Des Colonnes d’Hercule au Pont-Euxin, de Pharos à Ostie, un nombre croissant de navires sillonnent la mer en toute sécurité. À cette période, voyager par mer est nettement plus économique que par terre. La flotte marchande assure, en priorité, le transport des matériaux lourds et encombrants: le bois, le marbre, les métaux. Le volume des marchandises acheminées dans les ports d’Ostie et de Pouzzoles connaît une augmentation vertigineuse. Le ravitaillement de l’agglomération romaine en pleine expansion n’est pas une petite affaire: un service régulier, l’annone, affrète plusieurs convois par an pour assurer l’approvisionnement en blé.

Rome importe des produits provenant du monde entier: huile d’Afrique; vins de Gaule; soieries, parfums et épices d’Extrême-Orient. La route du blé reliant Alexandrie à Ostie est de beaucoup la plus fréquentée. Des chantiers navals de l’Empire sortent des bateaux pouvant jauger plus de cent tonneaux, soit une capacité triple de celle des voiliers grecs. Équipés de plusieurs mâts et d’une voilure carrée, ils sont capables de remonter le vent. La durée des traversées est variable. Avec des vents favorables, certains trois-mâts ont franchi la distance de Messine à Alexandrie en sept jours, et celle de Pouzzoles à Carthage en deux jours. Mais le plus souvent, dans des conditions normales de navigation, il fallait trois semaines pour rallier l’Égypte ou la Syrie. La Méditerranée, dès le Ier siècle, est témoin de la diffusion dans l’Empire romain du christianisme. Née à Jérusalem au sein du judaïsme, la religion des pauvres et des étrangers se répand rapidement de port en port dans les provinces que sillonne Paul de Tarse.

europe - civilisations méditerranéennes
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Le grand partage de la méditerranée

La période qui a suivi la dislocation de l’Empire romain est marquée par le déplacement du centre politique, économique et culturel de Rome vers Byzance. Le bassin occidental, le plus exposé à la pénétration des envahisseurs barbares déferlant sur l’Europe de l’Ouest, voit renaître la piraterie et décliner ses activités commerciales. Le monde méditerranéen est alors profondément affecté par une première grande fracture. Survenue au moment du partage de l’Empire entre Arcadius et Honorius en 395 et aggravée par le schisme, elle sépare dorénavant l’Ouest latin, catholique, occidental et l’Est grec, orthodoxe, oriental. Au VIIe siècle, une seconde fracture, longitudinale cette fois, sépare les eaux septentrionales et les eaux méridionales: au nord la chrétienté, au sud l’islam. Ces deux fractures, est-ouest et nord-sud, fournissent son cadre à l’histoire médiévale et moderne de la Méditerranée.

La mer est un échiquier, et la partie se joue à trois. L’enjeu est clair: atteindre chaque fois le plus juste équilibre des forces entre les trois civilisations. Le plus souvent, la partie paraît engagée à deux contre un. Au XVe siècle, un quatrième partenaire surgira des steppes de l’Asie centrale, l’Ottoman. Il éliminera le Byzantin et se substituera à l’Arabe. L’unité perdue n’est cependant pas encore un signe de déclin. Les audacieuses entreprises commerciales de Venise, d’Amalfi et de Gênes vont le démontrer en se glissant dans les interstices des conflits des trois mondes pour tirer lucrativement leur épingle du jeu.

L’Empire byzantin (Ve-XVe siècle)

Constantinople, la Nouvelle Rome, devient au VIe siècle la capitale du monde. Le cœur de la Méditerranée médiévale s’est donc décentré pour s’établir à la pointe d’une péninsule enserrée par les eaux de la Corne d’Or et du Bosphore. À la jointure de deux continents et de deux mers, le nouveau centre de l’Empire romain d’Orient c’est ainsi qu’il s’affirme dans les premiers temps incarnera durant dix siècles à la fois la grécité et l’orthodoxie chrétienne.

Constantinople est à l’intersection des grandes voies commerciales maritimes et terrestres qui relient l’Empire à l’Asie centrale par l’Arménie, à Venise par l’Adriatique, à la principauté de Kiev par la mer Noire, et à l’Extrême-Orient par le royaume khazar. Avec près d’un demi-million d’habitants, la ville est la plus grosse agglomération du monde méditerranéen. À cette époque, les commerçants orientaux, en particulier les Syriens, sont très actifs. Ils mettent à profit la reconquête du bassin occidental par l’empereur Justinien pour y réorganiser les circuits commerciaux anéantis par les envahisseurs germaniques et la recrudescence de la piraterie. Malgré l’expansion arabe, la paix byzantine sera maintenue jusqu’au règne de Basile II (976-1025).

Au Xe siècle, les navigateurs européens sont de plus en plus nombreux sur son marché. Ils viennent s’approvisionner en esclaves slaves, en fourrures et bois d’œuvre de Russie, en soies de Chine et en épices, parfums et pierres précieuses de l’Inde. Ils remplissent aussi leurs cales des produits fournis par les industries de luxe de l’Empire byzantin: toiles, soieries, tapisseries, objets de métal ouvragé, ivoires ciselés. La nécessité de défendre leurs provinces frontalières successivement convoitées par les Perses, les Arabes, les Normands et les Turcs conduira les empereurs à remettre aux mains des Vénitiens puis des Génois l’organisation du grand commerce international de Byzance.

L’islam (VIIe-IXe siècle)

Au VIIe siècle, la pénétration arabe en Méditerranée ébranle sérieusement l’unité restaurée sous l’égide de l’empereur romain d’Orient, Justinien (527-565). La formation d’un empire arabo-musulman de Médine à Cordoue sur le littoral méridional divise l’espace méditerranéen. La mer intérieure, nœud de relations entre ses riverains, devient une frontière entre deux grandes entités culturelles: au nord la chrétienté, au sud l’islam.

Les Arabes ne sont pourtant pas les étrangers que l’on dit être. Les peuples de Syrie et de Palestine sont arabes, et l’Antiquité classique a souvent fait référence à l’Arabie Heureuse pour désigner les terres mystérieuses du Yémen. Par l’intermédiaire des Syro-Phéniciens puis de l’Égypte ptoléméenne, ils ont fourni au monde hellénistique et à Rome les produits précieux de l’Extrême-Orient. La capitale du royaume arabe des Nabatéens, Pétra, était le grand centre emprunté par la route de l’encens et des parfums de l’Arabie du Sud. Ce royaume allié de Rome était devenu sous Trajan la provincia Arabia qui donna deux empereurs arabes à la tête de l’Empire: Élagabal en 218 et Philippe en 244. Ces relations entre l’Orient et Rome sont ensuite perpétuées au IIIe siècle par les Lakhmides et par les Ghassanides au Ve siècle.

Sur la façade orientale, les Arabes, qui commercent avec l’Inde depuis deux mille ans, sont sérieusement concurrencés par les Babyloniens. Aussi, par Héliopolis, Palmyre et Damas, une grande quantité du trafic avec le sous-continent indien leur échappe traditionnellement. La victoire des Arabes sur les Perses et les Byzantins leur assure enfin le monopole de la commercialisation des produits en provenance de l’océan Indien et de la mer Rouge.

Les premières flottes arabes portant la bannière de l’islam sont apparues en Méditerranée dès 649, date à laquelle elles s’emparent de Chypre. Elles croiseront plus tard le long des rivages sahariens, prenant Carthage en 698, l’Espagne en 711 et la plus grande partie de la Sicile en 727 (elles installent leurs quartiers à Palerme). Trente ans plus tard, lorsque la dernière poche de résistance byzantine tombe à son tour avec Syracuse, la mer Tyrrhénienne devient une mer musulmane.

Maîtres des îles, les Sarrasins livrent alors une guerre de course contre toutes les flottes infidèles. Les communications entre le versant occidental de l’univers arabe et les Échelles du Levant ou Alexandrie sont assurées par les seuls navigateurs islamisés. Les nouvelles étapes du cabotage sont Cadix, Málaga, Carthagène, Almería, Bougie, Tunis, Palerme, Tripoli et Barqa. Durant cette période, les navires byzantins, très nombreux en mer Noire, ne fréquentent plus que les ports de la mer Égée. Bagdad, Damas et Grenade deviennent les hauts lieux de la science, de la philosophie et de la médecine médiévales. Les traductions arabes des textes grecs se multiplient et se diffusent tout particulièrement dans les universités, qui attirent alors des élites médiévales venues de toute l’Europe pour les étudier.

Le retour de la chrétienté (Xe-XIIIe siècle)

Les conquêtes normandes et les croisades marquent, du XIe au XIIIe siècle, un retour en force de la chrétienté occidentale dans les deux bassins de la mer intérieure. Écarté du théâtre des opérations navales depuis les invasions des Huns, des Wisigoths et des Ostrogoths, l’Ouest prend l’initiative au Xe siècle. Des guerriers francs ont amorcé la reconquête de portions de territoire occupées en Espagne et en Italie. Ils expulsent les Sarrasins de Campanie en 916, et de Provence en 973.

Le royaume normand de Sicile

De leur côté, des aventuriers normands s’emparent de l’Italie du Sud et de la Sicile à la fin du XIe siècle. Après une série de démêlés avec le pape Guillaume II, ils obtiennent son accord pour refouler les Sarrasins, et, surtout, la rupture étant définitivement consommée entre les deux chrétientés, latine et grecque, l’autorisation officielle de liquider les derniers vestiges de Byzance. Ils fondent alors un État puissant à la jonction des trois civilisations, la latine, la grecque et l’arabe. Palerme, qui occupe une position stratégique entre les deux bassins de la Méditerranée, en devient le centre politique et culturel. Le Premier ministre du royaume normand œcuméniste porte le titre d’émir des émirs. Le chancelier est un archonte grec, tandis que les administrateurs sont arabes.

Chronologie (1052): Les Normands attaquent la Sicile

Pour mener à bien leurs opérations de reconquête, les Normands ont fait appel aux marins de Pise et de Gênes. Ces deux cités maritimes sont les seules à disposer d’une flotte de combat capable de s’opposer aux agressions de la piraterie sarrasine. Puis ils contre-attaquent victorieusement en Corse et en Sardaigne, et se lancent à leur tour dans des actions de brigandage contre les ports de la côte africaine. En 1130, lorsque Roger II monte sur le trône du royaume normand, il règne sur une zone maritime qui comprend l’Italie du Sud, la Sicile, Malte et le golfe des Syrtes de Tunis à Tripoli. Ces positions permettent aux Normands de faciliter et de contrôler le mouvement des croisades, ainsi que des pèlerinages qui se multiplient vers les sanctuaires chrétiens d’Orient, en premier lieu celui de Jérusalem.

L’Occident des croisades

Les croisades ne sont pas un phénomène exclusivement religieux. Elles ont contribué au démarrage d’un grand mouvement de commerce et de colonisation qui a relancé les activités maritimes des ports d’Italie. Ce mouvement aura d’autant plus de succès qu’il coïncide avec une élévation du niveau de vie des seigneurs et, plus globalement, avec une reprise de la consommation en Europe de l’Ouest. Ainsi, dans les cours seigneuriales comme dans les milieux ecclésiastiques, on voit se répandre des objets de luxe savamment travaillés par les artisans du Bosphore et d’Asie. C’est là l’origine de l’essor des ports italiens qui ravitaillaient les États latins, assuraient les transports de troupes et de matériel des croisades, et celui des pèlerins.

En retour ils importaient, pour les redistribuer, des marchandises du Maghreb, de l’Andalousie, d’Égypte, du Levant et de Constantinople. Génois et Vénitiens saisirent dans cette période toutes les occasions pour occuper les premières places parmi les puissances maritimes.

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